La guerre des mots

 

Sommaire:

Introduction

La production huguenote

La production catholique

Commentaires

 

 

Introduction

 

 

Si les hommes du XVIe siècle étaient prompts à utiliser les armes pour défendre leurs idées ou leurs privilèges, ils étaient aussi en ce début de l’œuvre imprimée prêts à en découdre par voie de publications, que ce soit pour susciter de vrais débats, ou pour injurier ou calomnier le camp adverse. C’est une véritable floraison de textes qui apparaît dans les années 1550, pour culminer au moment du colloque de Poissy. Si on va trouver du côté huguenot de redoutables polémiqueurs, qui savaient allier le style et la culture, et qui étaient maître dans l’art de la controverse, il faudra du temps pour que les catholiques réagissent. Peut-être par le fait même qu’étant du côté de l’orthodoxie, ils n’avaient pas eu à développer de capacités critiques, habitués à reconduire les exégèses de leurs prédécesseurs, surtout en ne pas essayant de les remettre en cause, mais peut être aussi de par leur refus d’utiliser la langue vulgaire pour traiter de théologie, alors que les réformés en avaient fait une des caractéristiques de leur mouvement.

Cet état de fait n’était pas nié par le clergé catholique qui avait besoin de temps pour se réformer, les Jésuites n’avaient pas encore pu montrer combien ils seraient de hardis défenseur de l’orthodoxie, et la contre-réforme se mettait en place. Le cardinal du Perron(1) le reconnaît simplement dans son oraison funèbre de Ronsard : « … Ils avoient beaucoup d’avantage sur les docteurs catholiques, dont les uns s’estoient endormis tout à fait durant le long repos de l’Eglise, et les autres s’estoient plus employez à entretenir le peuple à la piété et à la dévotion, qu’à l’éloquence et aux beaux discours… Cependant ce defaut apportoit un grand prejudice à la religion catholique, d’autant qu’il sembloit aux ames populaires que leurs docteurs estoient hommes barbares et ignorans, qui ne sçavoient pas seulement parler leur langue maternelle ; et que tout ce qu’il y avoit d’esprits polis et judicieux en ce royaume, estoit de l’autre party.(2)»

Cela va conduire à de profondes différences dans la qualité de la production littéraire des deux camps qui vont reproduire sur les pages imprimées les différences de comportement que l’on a déjà vu dans la conduite de la révolte ou des opérations militaires.

L’analyse des textes permet aussi de comprendre les différences fondamentales d’approche du christianisme qui ont servi de prétextes aux massacres, et ce avec les mots mêmes des contemporains. Mais cette littérature partisane, cette littérature de guerre, contient aussi en germes les méthodes qui seront utilisées jusqu’à nos jours pour structurer une propagande et susciter dans le peuple la haine de l’autre. En ce sens elle est très moderne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La production huguenote

 

 

La coutume, sans la vérité, n’est que l’ancienneté de l’erreur.(3)

 

Les réformés se sont servis très tôt de l’écrit pour soutenir leur « mouvement ». Si au début c’était surtout pour définir les bases de la réforme elle-même, que ce soit les « 95 thèses » de Luther de 1517, « les placards » contre la messe de 1534, ou « l’institution chrétienne » de Calvin (de 1534 et 1541), la production littéraire se développa ensuite suivant quatre axes. Il fallait construire et donc définir la foi réformée et la constitution de la nouvelle église, convertir et accueillir, et il fallait détruire la fausse religion, la religion catholique. Mais la violence de la réaction et leur propre violence ont mené à la guerre, guerre qu’il fallait justifier et pour laquelle il fallait enrôler les croyants, essayer de décourager l’ennemi, mais guerre qui ne pouvait conduire qu’à la destruction des hommes qu’il fallait alors honorer comme des martyrs.

 

Construction et défense

 

Dans le domaine de la constitution d’un nouveau corpus définissant l’ordre protestant, au delà du travail législatif et théorique fait à Genève, il fallait aussi se montrer fort. C’est dans ce cadre que l’on peut citer le livre de Théodore de Bèze, « Traité de l'authorité du magistrat en la punition des hérétiques, & du moyen d'y procéder, fait en latin par Théodore de Bèze, contre l'opinion de certains Académiques, qui par leurs écrits soutiennent l'impunité de ceux qui sèment des erreurs, & les veulent exempter de la sujection des loix »(4), écrit en réaction au livre de Sébastien Castellion(5), le « Traité des hérétiques(6)» ([208]) que ce dernier, champion de la liberté de conscience, avait publié en 1554 pour protester contre le sort fait à Michel Servet. Il lui fallait justifier à la fois la possibilité de juger les hérétiques, et donc de les définir, et la possibilité de les condamner à mort. Sans rentrer dans le détail des quatre cents pages d’argumentation qu’il déploie, certains passages sont dignes d’intérêt à la fois de par la lumière qu’ils apportent sur les conflits de l’époque, et par le caractère universel de certains thèmes, en particulier sur les relations entre religion et politique:

• la violence des attaques et des insultes : « Car comme ainsi fait que le dieu vivant, tout puissant & tout sage, qui est aussi très juste à poursuivre la vengeance des outrages faits à sa majesté, eut arraché aux satellites du pape, ce vilain & détestable hérétique Servet, pour le livrer comme promptement entre les mains de la seigneurie de Genève… » (page 2), et « Cependant toutefois, vu que les autres méfaits sont punis par l’autorité du magistrat, nous ne voulons pas que les hérétiques, qui sont gens plus exécrables que larrons, adultères, brigands, & meurtriers qu’il y ait, sous couleur de simplicité & clémence, fassent des dégâts en l’église de dieu, à leur plaisir & sans craintes » (page 186), et encore : « … en somme à montrer tacitement que ce monstre exécrable Servet, qui niait le mystère de la trinité, la divinité & la vraie humanité de Jésus Christ, qui condamnait le saint sacrement du baptême à l’endroit des petits enfants, & étant affecté de mille autres blasphèmes tachait d’en infecter le monde, était homme de bien & digne de vivre » (préface),

• la menace, ici envers Castellion qui écrit sous un pseudonyme : « Car sachant bien qu’il n’était que trop connu entre ceux, contre lesquels il écrivait, je confesse qu’il a eu juste occasion de craindre. » (page 7),

• la gravité du recours à l’écrit : « Aussi celui qui a divulgué son hérésie par ci par là en écrivant quelque livre, est beaucoup plus coupable qu’un autre qui l’aura seulement enseignée de bouche à quelques gens » (page 30),

• la confusion entre ce qui fait le bonheur de l’homme et l’application d’une idéologie : « Comme ainsi soit donc que toutes communautés & assemblées conjointes devement, lesquelles nous nommons cités, aient ce but principal, de faire que les hommes vivent commodément & heureusement, & que pour parvenir à ce but il soit nécessaire d’établir certaines lois, & ordonner gens qui en soient les protecteurs, & les fassent observer, lesquels on appelle magistrats… Puis donc qu’il est certain que le but auquel doit regarder le magistrat, est de faire sa république la meilleure qu’il sera possible, (car la meilleure est aussi, comme je crois la plus heureuse) & la meilleure est celle, en laquelle il y a plus de bons citoyens … Or pour ce que celui est homme de bien, qui s’acquitte de son devoir : & le devoir d’un chacun (comme même ont dit les philosophes païens) consiste principalement en deux choses, à savoir à servir dieu, & s’employer envers les hommes …Beaucoup moins faut-il douter que ce ne soit bien une principale partie de l’office du magistrat, d’avoir soin de la religion & crainte de dieu : pour ce que si elle n’est observée saintement & en sa pureté, il ne se peut faire que la république n’encoure l’ire de dieu, & par conséquence toutes sortes de calamités.. »(Pages 31 à 33),

• sur la nécessaire application de la loi de Dieu dans la loi civile (la charia ?) : « … & puis, quant aux loix civiles, où eux-mêmes les faires les plus équitables & justes qu’il sera possible, c’est à dire non discordantes de la parole de Dieu, ou les trouvant déjà faites par d’autres, les maintenir, & selon icelles administrer les affaires tant du public que des particulières. » (pages 41 &42),

• accuser celui qui veut se montrer « charitable » de vouloir la perte de l’ordre public : « Car il faut bien nécessairement qu’un homme est une haine extrême contre le genre humain, quand il est d’avis non seulement qu’on ne punisse point, mais que même on rémunère des ennemis mortels du salut des hommes. » (page 150),

• la nécessité de punir pour protéger les innocents, choisir l’innocent plutôt que le criminel: « Car il est écrit, qui justifie le méchant, & qui condamne le juste, tous deux sont abominables au seigneur. Nous demandons qu’on ait plus d’égards aux brebis qu’aux loups. Nous demandons qu’on punisse à bon escient ceux qui abusent de la douceur de l’église, & de la bénignité des princes, pour gâter et détruire. » (page 219),

• le blasphème comme pire que le meurtre : « Mais il y a certains crimes qui sont tels, que combien qu’ils ne soient pas punis partout d’une même espèce de peine, ils sont toutefois comme par un droit commun tenus pour crimes capitaux entre toutes nations qui ne sont pas du tout abruties et abreuvées de barbarie extrême : comme il y a les meurtres de père ou mère, les homicides fait de guet à pens, les sacrilèges, blasphèmes, impiétés, ou bien forfaits contre la religion reçue au pays,& s’il y en a encore quelques autres semblables. Et quant aux meurtres de père ou mère, & autre homicide fait de guet à pens, item aux sacrilèges, je pense que la chose est évidente. Mais quand au crime de blasphème & d’impiété, je m’ébahie comment aucuns révoquent cela en doute : car il n’y a personne qui puisse nier que la grandeur du crime ne doive être estimée selon la qualité de celui qui a été offensé : par laquelle raison aussi on distingue le meurtre de père ou de mère d’avec un simple homicide. Et si cela est vrai, il s’en suit bien aussi, comme je crois, que d’autant que la gloire de dieu est bien chose plus excellente que l’honneur des hommes, tant plus aussi blasphème & impiété sont crimes grands & énormes. » (pages 335&336).

 

« L’ignorance chassée », Château de Fontainebleau, galerie François I

 

Définir la Vérité, organiser la nouvelle église et la protéger, si c’était sans doute la première chose à faire, il fallait aussi susciter la conversion. Mais la réforme, œuvre d’intellectuels, n’appelait pas au cœur mais à la raison. Austère, elle ne permettait pas d’attirer par le pardon, par la promesse de la vie éternelle au Paradis, même s’il fallait passer un temps de pénitence au Purgatoire. On peut citer dans ce contexte un autre ouvrage de Théodore de Bèze, « Abraham Sacrifiant » ([180]), publié en 1550 et dans lequel il a versifié sous la forme d’une tragédie l’épisode biblique du sacrifice d’Abraham. L’auteur construit une scénographie dépouillée, porteuse des valeurs de la réforme : obéissance à Dieu, prédestination, dépouillement, …et dans laquelle néanmoins il n’oublie pas d’égratigner les catholiques quand il habille le diable d’un froc…

 

Si le cœur ne pouvait être séduit, il fallait avoir recours à la raison, à l’intelligence, et donc pousser à l’interrogation et à la remise en cause de la coutume. Il fallait raisonner par soi même et de ne pas appliquer sans comprendre les traditions papistes ; et tout d’abord promouvoir la recherche sincère de la vérité par quoi l’honnête homme se distingue :

« Thomas : Je le confesse : mais je ne te joue point de tels tours. Il te semble que je te sois traitre, pour ce que je ne suis pas obstiné comme toi. Sois assuré que je n’ai pas moins de cœur à soutenir la vérité que toi. Mais que veux-tu que je dise, quand je vois que raison nous défaut, & que notre cause n’a nul bon fondement en la parole de Dieu ? Je ne désire point, quant à moi, de batailler contre vérité : mais de la connaître & de la suivre & défendre, si je puis. Par quoi, je me tournerai toujours du côté, duquel je la verrai plus claire.(7)»

 

On verra plus loin que cette volonté de connaître la vérité, de comprendre les fondements de la religion, étaient combattus violemment par le camp catholique qui soutenait qu’il fallait croire sans chercher à comprendre. Comprendre, cela nécessitait l’acceptation de l’argumentation, voire du raisonnement par l’absurde comme dans les deux extraits ci-dessous dus aussi à Pierre Viret:

Pierre Viret

« Je suis émerveillé de cette dialectique, qui fait de tels syllogismes & conclusions. Ce péché ne se pardonne ni en ce siècle ni au futur. Il y a donc quelque péché, qui se pardonne au siècle avenir, ce que ne peut être qu’en purgatoire. Parquoi, il y a un purgatoire. Il n’y a sophiste tant ignorant, qui ne doivent savoir, que, selon les règles de leur dialectique, l’on ne peut tirer conséquence, quelle qu’elle soit, des propositions totalement négatives. Si donc des négatives, une conséquence même négative ne vaut rien, comment sera bonne l’affirmative, telle que vous la voulez ici conclure ? Que ne concluez vous plutôt : Ce péché ne se pardonne ni en ce siècle, ni en l’autre. Il ne se pardonne donc jamais. Car s’il y a pardon, il ne peut être qu’en ce monde, ou en l’autre. La conséquence serait bonne en cette manière. Car l’antécédent a compris tous les temps & lieux, auxquels le péché se peut pardonner. Et l’affirmative requise pour faire le syllogisme parfait, est facile à entendre.(8)»

 

« Quant aux cérémonies du baptême, voici, monsieur le ci-devant président, comment ils argumentent : si ces coutumes sont immuables, pourquoi ont-elles été changées (car le lait et le miel ne jouent plus de rôle dans le baptême) ? si au contraire elles sont muables, pourquoi n’écoutez-vous pas les raisons qui nous les ont fait changer ? pourquoi criez-vous comme des sourds que nous méprisons les coutumes des Pères ? Mais, comme ils disent, nous tirerions plus tôt un pet d’un âne mort, qu’une bonne raison de ce Mulo-Président.(9)»

 

Il était évident pour les docteurs de la nouvelle religion, ou plutôt de la « religion dite réformée », que cette démarche intellectuelle ne pouvait que faire basculer l’honnête homme de leur côté :

 

« Eusèbe : Je confesse que je ne puis plus rester à vérité : & rend grâces à Dieu, qui m’a délivré de ces grandes ténèbres, erreurs & abus, auxquels j’étais abîmé. »
« Hilaire : Je n’en avait pas du tout perdu l’espérance. Car j’étais bien assuré, que tu ne résisterais point à vérité par malice, mais seulement par ignorance. »(10)

 

Les mêmes thèmes seront repris dans des pièces plus légères, comme dans cette chanson d’Eustorg de Beaulieu(11), datée de 1546, et qui se chantait(12) sur l’air de « Sus debout, beuvons d’autant », et qui s’intitule « Propos de Moynes repentans» :

«  Sus debout : ne musons tant.
Fasse vent, pluye ou froidure,
Preschons la vérité pure.
Qu’en dis-tu ? – J’en suis content.

 

  Nous avons trop beu d’autant
Dans monachalle closture,
Et faict excez sans mesure..
Qu’en dis-tu ? – Vray est, pourtant..

Pour ce donc, sans rien doubtant,
Mettons bas froc & rasure,
Car l’Evangile en murmure ;
Qu’en dis-tu ? – Mon cœur y tend. »(13)

 

Ou dans la « chanson pour la conversion des pauvres papistes ignorants qui ont bon vouloir », datée de 1532 et qui se chantait sur l’air de « Dame d’Orléans ne plourez plus » ([193] pages 97 à 100 ):

« Paovres papistes retournez vous
A Jésus qui est mort pour nous.

Paovres papistes debonnaire
Qui desirez à Jesus plaire
Vostre ignorance a trop duré
Trop avez d’erreurs enduré.

Paovres papistes &c.

Laissez meschants cryer & braire
Car il est temps de vous retraire ;
Puisque Jesus vous est presché
N’excusez plus vostre péché.

Paovres papistes &c.

Laissez donc toute paillardise,
Ne vivez plus a vostre guise,
Tenez la foy a vostre espoux
Jesus Christ qui est mort pour tous.

Paovres papistes &c.

Gardez qu’aucun de vous surpreigne.
Tenez la voye que Christ enseigne,
La vraye foy & charité,
Car il est vie & vérité.

Paovres papistes retournez-vous

A Jesus qui est mort pour nous. »

Naufrage de l’église catholique
Matthias Gerung, 1545

 

Sur cette image, Mathhias Gerung a représenté le naufrage attendu de l’église catholique. Sur la première nef, le pape, inspiré par le démon, n’a d’yeux que pour le riche calice qui lui est présenté par un cardinal. Au-dessus deux autres cardinaux portent des indulgences. C’est toute la communauté catholique qui part à la dérive alors que les vrais croyants restent sur le rivage. L’eglise entraîne avec elle l’empereur qui s’est déclaré son protecteur ; il est représenté juste derrière le bâteau du pape.

 

Attaque

 

Si les écrits théoriques pouvaient faire espérer convertir les érudits, entraîner les pasteurs à convaincre les foules, ils n’étaient pas suffisants pour faire rejeter des siècles de coutumes. Il fallait être plus violent, il fallait dénoncer, moquer, désacraliser, il fallait faire haïr l’église de Rome. Et pour cela les réformés recoururent de manière importante à la satyre et à l’ironie, par l’écrit sous formes de livres et de pamphlets, mais aussi par la poésie et les chansons.

Si Théodore de Bèze et Pierre Viret, ainsi que bien d’autres auteurs, ont utilisé la dérision et la moquerie comme arme, Calvin ne s’est pas aventuré en ces terres qu’il n’était pas loin de considérer indignes des vrais croyants ; mais il en reconnut l’utilité pour son entreprise de réformation et de conquête, et s’est abstenu de condamner ceux qui en usaient. La préface du livre de Pierre Viret, « Disputations chrétiennes.. »(199), qu’il a écrite, est représentative du « puritanisme » du ministre de Genève : « ...il est à noter, qu’on dispute des matières de la chrétienté en deux sortes : premièrement, en taxant les folles superstitions, qui sont survenues entre les chrétiens sous ombre de la religion, lesquelles toutefois ne sont que corruptions d’icelle, pour la renverser et détruire. Secondement, en montrant la simple et pure vérité, selon qu’elle nous est révélée de Dieu par sa sainte parole. Quant à cette seconde espèce, il est certain qu’incontinent que nous avons ouvert la bouche pour parler de Dieu, nulle facétie ne doit entrer en nos propos : mais devons en tout ce que nous disons, démontrer quelle révérence nous portons à sa majesté, ne prononçant un seul mot qu’en crainte et humilité. Mais en déchiffrant les superstitions et folies dont le pauvre monde a été embrouillé par ci-devant, il ne se peut faire qu’en parlant de matières si ridicules on ne s’en rie pleine bouche. »

La banque du Pape

Dans ce registre, « Le Passavant – Epitre de maître Benoît Passavant à messire Pierre Lizet » ([181]) de Téhodore de Bèze est un petit bijou. C’est une farce dans laquelle l'auteur s’amuse de Pierre Lizet, ancien premier président du Parlement de Paris, exclu de celui-ci, et doté, en lot de consolation, de l’abbaye de Saint-Victor. L’argument est des plus simples, Pierre Lizet envoie à Genève Benoît Passavant pour s’enquérir de la façon dont son dernier ouvrage contre les hérétiques est reçu dans leur ville. Cela donne l’occasion à l’auteur de se moquer et du ci-devant président, Auvergnat en sus, et des idées et concepts qu’il défend et qui sont ceux de l’église romaine. Tout cela est fait d’une manière délicieuse, et encore près de cinq siècles plus tard, on rit toujours du portrait dressé à ce puits de bêtise… Il porte en germes tous les thèmes qui seront développés encore et encore dans la littérature de propagande huguenote. On en retrouvera nombre d’exemples dans ce qui suit.

Comme plus tard bien d’autres le feront – et d’ailleurs à la même époque les catholiques à l’encontre des huguenots - , les réformés accusèrent leurs ennemis d’être à l’origine de la pauvreté du peuple par le niveau des richesses prélevées pour l’exercice de la religion. Ils associaient à cela la description du luxe dans lequel l’Eglise vivait, et comment ses représentants, en particulier les membres du clergé régulier, vivaient dans l’abondance sans travailler ; exaltant ainsi la jalousie, ils cherchaient à susciter le désir de justice et de vengeance. Au-delà de fournir des raisons de se rebeller, les réformés voulaient assécher les sources de revenus de la papauté pour limiter ses moyens de recours à la force militaire.

 

Le mendiant infernal (David de Necker, vers 1559)


Assis sur un indulgencen un monstre hideux mendie en tenant dans sa main droite un coffre à indulgences. Eclopé, il est muni d’une béquille et se fait un bain de pied dans un seau d’eau bénite. Coiffé d’une sorte de capuiche, il sert de support à des scènes infernales. Sur sa tête que couronne un arbre desséché, des démons cuisinent autour d’un feu qui produit une sorte d’auréole ironique et préparent des plats immondes qu’ils font passer par l’oreille jusque dans sa gueule béante. Là, des religieux (trois moines, une nonne et un chanoine) festoient autour d’une table. Ils sont rejopints par un chanoine et par le pape qui, muni d’une bulle et de la clé de saint Pierre, est conduit par un démon péteur. [320]

 

Une des premières cibles fut la pratique des indulgences. Si les protestants ont utilisé abondamment l’exemple de la tarification des indulgences pour démontrer la corruption de l’église romaine, ils y ont été aidés par un livre publié par en 1514 par Léon X et qui donnait le tarif des indulgences pour tous les péchés répertoriés. Ce livre, dont l’église romaine eut honte et qu’elle essaya de faire disparaître, a été plusieurs fois réédité par les protestants qui trouvaient dans les écrits de leurs adversaires les armes de leur combat. Les exemples donnés ci-après proviennent d’une édition de 1744, « Taxe de la chancellerie romaine, ou la banque du pape » ([206]) :

 « La permission donnée à un Noble de manger de la viande & des œufs aux jours défendus, est taxée à douze carlins. »
« Le père, la mère, ou quelque autre parent, qui aura étouffé un enfant, paiera pour chaque meurtre quatre tournois, un ducat, hui carlins. La femme qui aura pris un breuvage pour faire perdre son embryon, ou le père qui lui aura fait prendre un tel breuvage, paiera quatre tournois, un ducat, &huit carlins.»

Cet angle d’attaque permettait aussi d’exacerber la différence entre les riches, qui pouvaient s’acheter le pardon voire la vie éternelle, et les pauvres qui n’avaient comme seul espoir que le Purgatoire, renvoyant ainsi le discours religieux dans la sphère de la critique sociale. Un tel procédé a été mis en œuvre pour détourner l’ouvrage de frère Barthélemy Abbizzi de Pise, édité en 1520, sur le parallèle qu’il avait voulu faire entre la vie de saint François d’Assise et de Jésus Christ, dans le livre publié en 1556 par Conrad Badius à Genève ([210]), « L’alcoran des cordeliers ». La traduction aurait été supervisée par Martin Luther, et contenait de furieuses charges contre l’église romaine, mais qui ont perdu de leur piquant à l’heure actuelle car elles nécessitaient une bonne connaissance des dogmes et croyances poussés par les partis en présence.

Pierre Viret et Théodore de Bèze, dans les deux extraits qui suivent, insistent sur cette tarification du pardon qui, au-delà de son caractère profondément innaceptable pour eux, conduisait pour les réformés à justifier, voire promouvoir, tous les excès et toutes les violations des commandements de Dieu : « Hilaire : C’est bien leur doctrine : mais toutefois quand il vient à la pratique, ils ne regardent guère aux péchés mortels ou véniels, mais le plus aux richesses ou à la pauvreté. Ce leur est tout un quels soient les péchés, ou mortels ou véniels, famables ou infamables(14), moyennant que le trépassé ait de quoi payer leurs drogues, & leurs médecines, & argent pour sa rançon, & pour les lettres de sa grâce, qu’ils font par leurs bulles, & indulgences. Des pauvres, avec lesquels ils n’ont point de profit, ce leur est tout un où ils aillent, soit en paradis, en enfer, ou en purgatoire. Car ils n’ont point de soin des âmes, sinon de leurs bourses. »([199]), et la facilité donc d’obtenir la possibilité de faire ce qui est interdit grâce aux dispenses accordées contre dépenses d’espèces sonnantes et trébuchantes : « A table, o supposts non suspects, / Humez souppes, tastez bouillis : / Despenses servant de coulis / Aux enfans, qui de temps, & d’aage, / Ont dispences pour mariage, / Et pour bastards legitimer. / Despenses de beurre escumer, / Demanger des œufs, du fourmage. / Despences defaire charnage, / Au moins aux chats, & aux malades. / Despences de grands accolades /Adeux, trois, quatre Vebefices. / Despences a tous malefices. / Comme quoy ? de femme taster : / Despences, brief pour tout gaster, / Despences d’absolutions, / De graces & d’exemptions, /Despenses je di non dispences. / Ma raison est, que si tu penses / Combien vaut ainsi dispenser, /Tu diras que c’est despenser /Argent de badaudes façons. »([179]).

 

La chanson(15) suivante, contre le pape et ses suppôts, et sur l’air de « Touchez leur l’anticaille », reprend sur un ton plus léger la même critique :

« 
Messieurs les cardinaux
Pardonnes tous les maux
Aussi fait la prestraille
Qui de vous se riront.
Donnez leur de la cliquaille
Et ils vous sauveront.

Croisards & Bernardins
Aiment bien les boudins ;
Aussi font la tripaille ;
Tant ils avaleront.
Donnez à tel canaille
Et ils vous sauveront.
… »

 

Procession du clergé et procession   (Peter Flötner)

Engerrand Quarton, XVe, pape sortant du Purgatoire

 

Si les indulgences pouvaient aider à se purger de ses péchés, cela n’était pas forcement suffisant pour un peuple qui ne pouvait concevoir une condamnation perpétuelle ; que les pécheurs dussent payer, cela était dans l’ordre des choses, mais Dieu ne pouvait certainement pas être si dur envers sa création pour vouloir en condamner aux souffrances éternelles. Le purgatoire répondait à cette peur, il permettait d’envisager une peine de durée limitée, et qui pouvait aussi être adoucie par la prière et des messes particulières payées par les vivants pour les morts. Pour les réformés il permettait surtout de justifier une conduite déviante par rapport aux préceptes de l’écriture tout en promettant le salut final, ce qui était inadmissible ; ils développèrent des critiques vives contre la notion même de Purgatoire, et contre tous les rites visant à atténuer les conséquences des fautes des pécheurs :

« Il le faudra donc appeler dorénavant, Pagatoire, ou Purge-bourse. »(16)

« Hilaire : Tu ne le prends pas mal. Mais il ne te faut pas être ébahi, si lui et ses semblables prennent tant de peine à bien confiner & limiter ces lieux et places, & singulièrement le purgatoire. Car ils n’ont point de meilleure possession que celle-là, ni qui leur rende plus de fruit, ni de laquelle ils reçoivent & recueillent plus de censes et de revenus. Il n’y a royaume, seigneurie, terre ni héritage qui apporte tant de profit à leurs seigneurs & possesseurs, que purgatoire leur en apporte. »(17)

Dans un registre plus léger, cette complainte du clergé qui pleure la mort du purgatoire qui leur fait perdre une grande partie de ses revenus(18) ; Pierre Viret y use aussi de l’insulte, mais surtout fait parler ses ennemis, comme si ceux-ci n’étaient pas seulement de simples exécutants de rites définis par l’église de Rome, mais au contraire des êtres cyniques trompant de façon délibérée le peuple pour leur bien propre :


« Moines, nonnains, prêtres, &maquereaux,
Bâtards, putains, déchirons nos cheveux.
Car maintenant sont éteints les fourneaux,
Qui tant nous ont nourris gras & pompeux.
Bien nous pouvons tenir pour malheureux.
Car le bon temps qu’avons eu est passé.
Mort est celui qui nous a amassé
L’argent duquel faisons Gaudeamus(19).
Hélas, il est maintenant in pace.
Par quoi chanter nous faut autre oremus(20)»

La fête des morts(21), instituée vers l’an 1000 et avant la création du purgatoire, était utilisée pour prier pour les âmes des morts, et représentait une source de revenus substantiels pour l’église, elle ne pouvait pas être épargnée par la critique réformée :

« Car ce jour là est bien l’une des meilleures foires que ils aient de toute l’année : & une journée, en laquelle ils font moisson & vendanges tout ensemble, sans se guère échauffer. »(22)

Au-delà de ces exemples, il y avait mille autres sources de revenus pour l’église catholique, et chacune allait devenir une cible(23) pour les huguenots. Théodore de Bèze s’élève contre ces pratiques dans l’extrait qui suit :

« Pourtant vous nous appelez fous et coquins. Vous, au contraire, par vos pratiques, vous avez gagé royaumes et empires : je parle de la doctrine des indulgences, des messes, des aliments, des patenôtres, des obits, des droits mortuaires, du purgatoire, des pèlerinages et des fêtes, des bulles, des dons, des bénéfices, des tonsures, des dispenses, et de cent mille autres filouteries, au moyen de quoi vous autres, ventres abjects, ventres archidiaboliques, vous dévorez les âmes des pauvres, et sucez les trésors des rois et des empereurs. Mais voici venir le temps où votre putain périra avec ses maquereaux, n’en doutez point. »(24)

 

Ci-après une chanson(25) de 1532 qui reprend une des cibles fréquentes des réformés dans leur lutte contre le spectacle des rites romains, le cierge :
« 
O prebstres, prebstres ne demandez plus dons
Pain, vin, chandelles, laissez tous ces perdons ;
Car vostre purgatoire
La bourse a trop purgé.
Jesus est notre gloire
Qui nous a soulagé.
… »

Et dans la même veine, on pouvait alors associer tous les rites qui conduisaient le croyant à devoir payer pour démontrer à Dieu sa foi, ou sauver de l’enfer ceux qu’il aimait ; en particulier sur le baptême des enfants morts nés :
« C’est cela que Satan & les faux prophètes désirent, que les consciences troublées et désolées. Car alors ils font mieux leur profit. »(26)

Le clergé régulier qui vivait à l’abri de ses murs et dont les revenus provenaient de l’exploitation de vastes territoires ou d’impôts, a été une cible facile pour les réformés qui ont profité de la mauvaise réputation que ses membres avaient dans la population. On les voyait en effet se moquer des vœux qu’ils avaient contractés, n’hésitant pas à prendre concubines ou amants, et donner l’image d’une abondance qui ne pouvait que susciter l’envie de ceux qui ne mangeaient pas à leur faim ; ce sont eux aussi que l’on verra à la tête des armées de la foi parmi les plus exaltés et les plus sans pitié :

« A table, a table, chantez tous / Benedicite, Dominus. / Tantost nous irons dormir nuds / Au lit de fornication. / C’est la sanctification / Des plats, des services, &mets / Que vous dressez, o vrais gourmets, / Et vrays gourmans a gorge forte. »

« Il en prendra donc des morts, comme des moines, qui sont morts au monde, en aucuns points, mais non pas en des autres. Ils sont morts au monde, quant à ce qu’ils n’y servent & n’y profitent à personne, non plus que les morts : mais ils n’y sont pas morts, quant au boire & au manger, & aux autres œuvres charnelles, & à nuire aux vivants. »(27)

L’origine des moines (Atelier de Lucas Cranach l’Ancien, vers 1545)
Les protestants furent les premiers à utiliser des images scatologiques pour attaquer l’église catholique. Ici, le diable, pris d’un atroce mal de ventre, monte sur une potence pour se soulager. Il constate alors qu’il s’agissait de moines, pas surpris, il leur ordonne alors de se répandre dans le monde. ([320])

 

Tous les ordres étaient concernés, les Cordeliers, les Carmes, les Augustins, … : « Cordelières, Caymandières, / Converses, vayes vivandières /Scavent de la déesse Bonne / Les secrets mieux que la Sorbonne. / De là les vivandiers Convers / Ameinent chariots couvers, / Pour emplir les larges marmites. / Là pres sont marmitons Hermites, / Qui les pots brusquement escument. / Carmes s’escarmouchans, presument / Qu’ils font bien le faict de souillars. / Augustins, rustres & gouillars / Hardis, laborieux, prudens, / Fressuriers a jouer des dents, / Quand ils se ruent en pasture, / Fort bien espluchent la nature / De ce qu’il faut bouillir ou frire. / Bordeliers (ha c’est mal escrire) / Cordeliers, autrement Mineurs, /Avec Jacopins bon beuveurs / Assemblent oignons & ciboules, / Aussi rondelets comme boules, /Estendus comme marroquins. / Les voyez-vous les gras coquins ? »(28)

Les moines eux-mêmes s’exclament : « Les autres aiment à veiller, / A peu vivre, & bien travailler : / Et nous, hélas, tout au contraire, / Voulons bien vivre, & ne rien faire»(29)

« … Et des clapiers de nonnains et de moines
Qui vont sucçants comme renards et foïnes
Le sang humain en vostre region
Sous nom de vœu et de religion. »(30)

Et une autre chanson contre les prêtres et les moines, d’Eustorg de Beaulieu, datée de 1546 :
« 
S’un rasé ne se marie
Ne les nonnains d’abbaye
Combien qu’ayent de beaulx enfans,
C’est la prestraille &c.
 »(31)

Dans la chanson ci-dessous, une jeune fille se rebiffe contre un confesseur qui a trop d’attentions envers elle :

«  - Dieu vous gard’, jeune pucelle ;
Saint François vous doint bon jour.
Si c’estoit votre vueil, belle,
Nous deux aurions vostre amour.
Faites nous donc ce service
Avant le trespas.
Sans faulte, en nulle malice
Nous n’y pensons pas.

«  - Dieu vous gard’, jeune pucelle ;
Saint François vous doint bon jour.
Si c’estoit votre vueil, belle,
Nous deux aurions vostre amour.
Faites nous donc ce service
Avant le trespas.
Sans faulte, en nulle malice
Nous n’y pensons pas

. »(32)

Le moulin de la papauté (Tobias Stimmer, 1577)
Alors que la parabole du moulin du Chirst est associé à la purification des âmes, ici, les moines et les prêtres ramassés par la mort au fond à gauche, battus avec un fléau, et enfin mis dans le moulin, ne donnent naissance qu’à une foule de monstres ideux rapellant ceux de Bosh. Il ne peut sortir que du mauvais du clergé catholique… ; c’est du moins le message de cette image. ([320])

 

sur les moines :

« … ceux-ci au contraire habitent en de grands palais somptueux, possèdent villes, bourgs, & même des pays entiers, & fuient si fort tout labeur, que même ils mettent leur salut à être oisifs : ils sont tellement adonnez à leur bouche, & surtout au vin, qu’ils ressemblent plutôt à des flacons ou des brocs de vin, que des hommes. … puants retraits de .. empoisonnements & toutes monstruosités de paillardises contre nature… ».(33)

Le clergé séculier n’était pas à l’abri de ces critiques comme le clamait Théodore de Bèze contre les curés : « Curez (mortelles moqueries) / Es doux sons de leurs chalemeaux,/ Escorchent tous vifs leurs aigneaux, /Et les font languir sur la paille. »(34)

 « C’est pourtant que nos maîtres les théologiens sorboniques ne boivent pas volontiers du pire, ainsi leur en faut toujours du meilleur quoi qu’il coûte. En quoi ils ont plus que juste raison. Car ils vivent le plus des péchés du peuple, selon qu’il est écrit : les prêtres ont mangé les péchés du peuple, c’est à dire les offrandes pour les péchés. Or les péchés sont une viande fort dure, & bien difficile à digérer, & le bon vin aide fort la digestion. »(35)

 Notre Maître Friquandouille » se moque du peuple crédule : «  Parles bas, on fay-je pas moy, / Et bien souvent ay eu grand peine / De me retenir mon haleine, / Afin de ne péter de rire, / Lors que ce populaire tire / Ces mea culpa, de si loin, / Et qu’on me vient sans grand besoin / Lever ma queue par derrière. / Mais, vive nostre gibecière, / Cela ne va que bien ainsi. »(36)

 

Voici le portrait du pape d’enfer (vers 1550, Jules III)

 

« Eustache: Je n’ai pas grand chose à dire, sinon qu’il me semble que tu veuilles blâmer et condamner les temples, & les ornements qui ont été consacrés à Dieu, pour mieux honorer son service divin. Theophraste : Je ne condamne pas ce qui a été fait à l’honneur de Dieu, suivant son commandement : mais je condamne les grands excès & dépenses, qui ont été faits autour des idoles … que dirait-on maintenant à ceux qui les dépouillent (les pauvres) pour vêtir le bois & les pierres ? & qui pillent et saccagent pour enrichir les temples des dieux étranges, & les faux prophètes de Baal ? qui font pleurer les pauvres veuves & pupilles, pour faire chanter les prêtres & les moines ?Que dirait-li aussi (Chrisostome), s’il voyait les papes, les cardinaux, & les évêques, abbés, chanoines, & autres semblables, piller, fourrager & butiner par ensemble les biens & trésors de l’Eglise, & les grands bénéfices, pour les employer es choses auxquelles ils les  dépendent ?»(37)

« Mais, comme nous le dirons un peu plus tard, vous bridez votre mule par la queue, lorsque vous appelez tout cela des dogmes de l’église ; car comme on vous prouvera tout d’abord que c’est l’église qui n’a pas entendu la voix de son époux, mais qui veut être maîtresse par-dessus son mari même : d’où ils déduisent ce corollaire : que la familles des papistes est des mieux gouvernées, puisque la poule y chante mieux que le coq. »(38)

Gorgoneum Caput (Tobias Stimmer, 1577)

Ce portrait du appe Grégoire XIII est constitué d’instruments et de symboles du culte catholique. Cet entassement absurde d’objet incarne une papauté dépourvue de spiritualité.
 

Dans ce dernier exemple, l’auteur veut faire la différence entre la vraie église de Dieu et ce qu’est devenu l’église de Rome. Si l’église est l’épouse du seigneur, elle ne peut qu’avoir dévoyé son enseignement, avoir pris le dessus contre son seigneur et maître. Le grand coupable est alors le pape, et il doit être rabaissé au niveau de l’homme alors qu’il se croyait presque avoir les pouvoirs d’un dieu. Il fallait désacraliser la personne du pape, et désacraliser les dogmes les plus emblématiques de l’église catholique, et parmi ceux-ci attaquer la messe et l’eucharistie.

« C’est le pape qui, pour prouver qu’il était l’Antéchrist, a fait tout autrement que le Christ. En effet, lorsque le diable dit au Christ, en lui montrant les royaumes du monde : je te donnerai tout cela, le Christ refusa ; mais le pape, lui, l’a pris au mot, comme on dit, et il a fait avec le diable une convention, tant pour lui-même que pour ses héritiers et successeurs, qui est l’admirable fondement de la donation de Constantin(39). Ainsi vous avez volé et vous volez chaque jour. »(40)


Et pour cela, rien n’était plus hors de portée, si le pape était le lieutenant général de Lucifer, aucune insulte n’était un blasphème, aucune insulte ne pouvait être évitée.

En 1558 paraît la première édition en latin d’un livre qui sera souvent réédité et traduit, « L’anthithèse des faicts de Jésus Christ et du Pape » (voir dans [205] une édition en français de 1584), qui comme son titre l’indique entend démontrer que contrairement à ce que l’église attribue au pape, celui-ci ne peut se réclamer d’aucune manière du sauveur. Ces livres ont été dès le début enrichis d’illustrations montrant pour chacun des exemples pris l’opposition entre ce que fait le pape et ce qu’a fait Jésus Christ.(41)

 

Dès que Jésus Christ vient au monde naistre,

Il nous fait la paix apparoistre.

Dès que le pape est ordonné,

A guerroyer est adonné

Jésus Christ sans disputer rien,

L’impos paye au roy terrien

Le Pape, en foudroyant se baille

Licence de ne payer taille

Christ ses brebis paist & supporte,

Et sur son dos les foibles porte.

Le Pape vend sa marchandise

Au temple, avec ses gens d’église.

Christ de son temple marchands chasse :

Et marché ne veut qu’on y face

Le Pape vend sa marchandise

Au temple, avec ses gens d’église.

Jesus en grand triomphe & joye

Devers les hauts cieux prend sa voye.

Le Pape avecques son audace

Au fons des abysmes prend place.

Mais ce n’était pas encore suffisant, et certains n’hésitèrent pas à l’accuser de tous les vices :


« .. de même vous devez accomplir la volonté de votre mère, qui est l’église, et dont la tête, ainsi qu’il a été dit, est l’église romaine. Ainsi, le pontife romain sera notre mère, comme dieu est notre père. Et il fallait dire aussi (que dieu nous en garde !) : notre mère qui est à Rome, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite, etc. Et voilà certainement le canon où les pontifes ont pris le droit d’exercer la sodomie, se faisant non pas seulement au figuré, mais très positivement, catins et prostituées de la plus belle eau. D’où se déduit le corollaire, que le pape, en dépit des grammairiens, est du genre épicène [commun aux deux genres], non masculin … »(42)

En effet, le pape était l’Antéchrist, le lieutenant général de Lucifer, et si dans la « Polymachie des marmitons » (voir encart ci-après) il est fait lieutenant général du diable, cela deviendra un leitmotiv :

« Or, à bon droit pouvons-nous affirmer que ce sont les évangiles de l’antéchrist, des excréments que le diable a vomis par la bouche fétide des papes (bouche du pape et cul du diable, c’est tout un)… »(43)

Le pape, malade, avant que Satan ne parte lui chercher de quoi le guérir, vomit « ses péchés », l’inventaire en est fait par le diable lui même :

« Ce sont fraudes, extorsions,
Erreurs, abominations,
Violences & cruautés,
Trahisons et déloyautés :
Ce sont décrets, pardons & bulles,
Cardinaux, & chapeaux & mules,
Abbés, évêques, crosses, mitres,
Moines, nonnains, couvents, chapitres :
Citations, foudres, tempêtes,
Reliques, besaces, & quêtes,
Images, cloches, luminaires,
Cimetières, & presbytères :
Chasubles, aubes & étoles,
Murmures, mines, & paroles,
Souplessaux, tordions, & danses,
Déguisements et manigances.
Bref, il y a toutes choses
Au cabinet du pape encloses.
Il n’en vomirait en dix ans
Autant qu’il en reste leans. »(44)

L’énumération monotone de la liste, donne à la fois une impression d’exhaustivité et d’inachèvement, comme si on en attendait encore plus, ou comme si l’auteur était suffisamment complice du lecteur pour s’arrêter en route sachant que ce dernier complétera ; cela entraîne aussi un certain malaise car rien de ce qui est contraire à la religion ne semble avoir été oublié par le saint père.

On ira encore plus loin dans « La polymachie des marmitons » ([176]); c'est une courte pièce éditée en 1562, qui sous le prétexte de décrire l’armée du pape, en faitt celle de Lucifer, attribue à chaque fonction de l’église catholique un grade dans une armée en campagne. L’ironie et la satyre sont teintées parfois d’amertume face aux exactions dont sont victimes ceux qui s’opposent à la force de Rome, et le texte devient alors une célébration des martyrs. L’auteur déploie l’image de la marmite papale, qui, étant prête à être renversée, fournit le prétexte de la levée d’armes lancée par le diable.

 

Et dans la suite du pape, la messe, contre laquelle déjà du temps des « placards » les réformés s’étaient élevés violemment, allait devenir ce qu’il fallait rabaisser ; cet élément fondamental de la religion catholique, moteur du lien et de l’ordre social, devait être anéantie. Les auteurs allaient s’attacher à en nier la sacralité et à la confondre avec des cérémonies proches de la sorcellerie :

[193] pages 158&159, « Jean le noir et Jean le blanc, ou le prêtre et l’hostie », vers 1560 :

« … Jean le blanc, à la vérité,
Ne fut que pain en premier lieu ;
Depuis, par la subtilité
De Jean le noir, il devient Dieu. »

« Et puis enfin jetter sa patte / Dessus ce pauvre dieu de paste : / Faire dix mille tours d’escrime : / Parler à luy en prose, en rithme, / Jusqu’à tant que l’heure le presse/ De le crocquer, & de vistesse / S’en donner au travers des dents, / Hors mis ce qui tombe dedans / Le calice à la souppe au vin. »(45)

La consécration du pain et du vin devenait pour les huguenots un acte de sorcellerie pratiquée par le clergé pour tromper le pauvre peuple :

[193] pages 100 à 103, une chanson(46) de 1532 :

« …O prebstres, prebstres, ne vous souvient-il point
Quand faisiez croyre cest erreur & faulx poinct
Qu’en ce petit armoyre
Jesus est en prison :
Vous nous disiez encoire
La boitte est sa maison.…»

 

Et enfin jouer sur les conséquences de transsubstantiation, qui font de cette hostie le corps de dieu qui est mangé par les rats, et que le peuple chie :

« …Maitre Nicaise :
Je demande, ne vous desplaise.
Notre Maitre Friquandouille :
Non fait-il, Messire Nicaise.


M.N. :
Si tout ce qu’on mange se chie ?


N.M. :
Et quoy donc ? Et faut que je die
Que tout homme est fol qui en doute.

M.N. :
Mais voicy la seconde doute :
Paradis n’est-il pas au lieu
Où se trouve notre bon Dieu
Qui au paravant estoit pain ?

N.M. :
Cela est un poinct tout certain.
Et que concluez-vous pourtant ?


M.N. :
Ergo je conclu que d’autant
Que le Dieu que nous avons fait,
S’en va droit du ventre au retraict,
Il y faut chercher paradis. »(47)

 

« Imaginez-vous que je me figurais entendre votre présente-abbatialité chanter la messe : tout à coup, au moment où vous disiez Per omnia, voilà que vous bombardâtes très-fort, très-bruyamment, par accident : et aussitôt un ribaud d’hérétique, qui était accouru je ne sais d’où, s’écria : « miracle ! miracle ! voilà monsieur le ci-devant président qui parle aussi par la bouche de derrière ! – tu en as menti, » lui dis-je, « car bombarder n’est point parler ; et puis, après, s’il a bombardé ? cela n’empêche pas la consécration, et même, c’était peut-être à si bonne intention, que la bombe servît d’encens. »(48)

Suite à toutes ces attaques, la raison devait l’emporter et la messe disparaître :

« J’ay si bien nourri vostre pance !
Mais je voy bien que c’est en vain,
Car vous dormez (comme je pense)
Un chacun avec sa nonnain.
Hélas, mettez ici la main,
Ou nous sommes tous confondus.
Prebstres qu’estes vous devenus ? »(49)

 

 

L’image ci-contre, de provenance allemande, représente dans le contexte de la violente répression catholique menée par Marie Tudor entre 1553 et 1559, l’évêque de Westminster, Stephen Gardiner, célébrant l’Eucharistie en mordant le cou d’un agneau suspendu par les pattes arrières ; il est lui même représenté sous les traits d’un loup. Le sang qui gicle est recueuilli dans des calices par les membres du clergé catholique anglais qui le boivent en communion. Au-desus d’eux un diable porte une bannière sur laquelle est écrit « je suis le pape ». A la droite de la composition, en haut, trois homems barbus essayent de retenir le loup par une cordre. En-dessous d’eux, et dans une attitude de dépendance (anneau au nez), sont eux entraînés par l’évêque-loup. Au-milieu de la scène, un groupe d’agneau gît, représetant les vrais fidèles sacrifiés par l’église de Rome.(50)

Il faut reconnaître le caractère blasphématoire de ces attaques pour les catholiques et pour l’époque, pour les membres du clergé ou pour les simples croyants. Encore aujourd’hui des critiques de la même nature seraient considérées comme inacceptables, voire passibles de poursuites. On comprend ainsi les auteurs du 19° siècle qui mentionnent avec horreur la chanson « Noël nouveau » reproduite ci-après, et dont certains se refusent même à en donner des extraits.

Les huguenots s'attaquèrent aussi à la messe de Noël, sacrilège ultime,commeon pourra le voir dans la chanson

"Noel nouveau
De la description ou forme et manière de dire la messe."


qui était chantée sur l’air du chant : Hari, bouriquet

Dans l’ensemble des attaques lancées contre l’église catholique, le refus de celle-ci de laisser traduire les textes sacrés en langue vulgaire allait être utilisé pour démontrer leur volonté de cacher la vérité au peuple :

 « … car ce serait grand scandale si tout le monde pouvait, par la sainte écriture, distinguer les loups des bergers ; et par la même raison, il ne faut pas dire sa messe, ni ses heures en français, parce que le peuple verrait les mystères de notre sainte Mère Eglise : et ainsi tout le service de Dieu tomberait en ruine, tout le monde serait hérétique. Mais, monsieur le Ci-devant président, si en vertu de cet argument, on vous retirait votre vin, parce que vous vous en grisez un peu trop souvent, quelle mine feriez-vous, bon dieu ! à peu près comme lorsqu’on vous signifia que vous ne mettriez plus le pied au palais. »(51)

« Nos grand docteurs au chérubin visage / Ont défendu qu’homme n’ait plus à voir / La saincte Bible en vulgaire langage / Dont un chacun peut cognoissance avoir. / Car, diesnt-ils, désir de tant sçavoir / N’engendre rien qu’erreur, peine & souci. / Arguo fie, S’il est doncques ainsi / Que pour l’abus il faille oster ce livre, / Il est tout clair qu’on leur devoit aussi / Oster le vin, dont chacun d’eux s’enyvre. »(52)

« Thomas : Car il y avait danger qu’ils ne fussent devenus hérétiques, s’ils se fussent mis à lire les livres de la sainte écriture si jeunes. Mais il n’y avait point de tel danger en ceux-ci. Hilaire : Tu as raison : pour craindre que les chrétiens ne deviennent hérétiques, il leur faudra défendre la lectures des saintes écritures, & leur permettre tous fols livres, pour en faire des bêtes brutes. »(53)

« Quand on chante l’évangile, on lui baille des parfums, on allume des torches, on baise le livre, un chacun se tient debout, pourvu que l’évangile soit chanté ou récité en langage inconnu aux auditeurs… »(54)

La satyre, l’insulte et l’ironie furent les moyens utilisés par les plus grands docteurs de l’église réformée. On retrouvera d’ailleurs dans la plupart des édits de conciliation l’interdiction faite de s’insulter ; on avait le sang chaud alors, et l’insulte pouvait conduire à la mort. On jugera à cette aune les insultes rapportées plus haut à l’encontre des membres du clergé, et celles ci-dessous reprises pour leur violence :

« … je ne m’arrête point à parler des méchancetés qui sont en leur vie, & de la grande corruption de leurs mœurs, mais je viens droit au point de la matière, à savoir à leur doctrine : qui est telle que je puis affirmer qu’on ne saurait rien imaginer de plus puant et corrompu. », ou encore : « Car que produiront les papistes ? Leur eau bénite, les temples qu’ils ont bâtis, les prières qu’ils ont barbotées(55) par conte devant quelque charogne, devant quelque statue de pierre qui est ici ou là : leurs cierges, leurs lampes, leurs frocs, finalement pour venir à tout ce qui leur est de grande importance, leurs jeûnes, leurs mérites pour avoir couché sur la terre, leurs haires(56), leurs aumônes, leurs voyages, leurs messes, & pour le dernier les pardons qu’ils ont achetés du pape. Mais où en seront-ils quand Dieu leur répondra, O pauvres gens abêtis & abrutis en terre, & du tout dépourvus de connaissance des choses d’en haut ! que m’apportez-vous sinon que toutes ordures & vilénies ? ».(57)

L’épitaphe de Messire Pierre Lizet(58) dans le Passavant:

« Hercules desconfit jadis
Serpens, géans, et autres bestes.
Roland, Olivier, Amadis
Feirent voler lances et testes.
Mais, n’en desplaise à leurs conquestes,
Lizet, tout sot et ignorant,
A plus faict que le demourant
Des preux de nations quelconques,
Car il feit mourir en mourant
La plus grand’beste, qui fust onques. »(59)

 

et encore contre le même: « Venons au chapitre onzième, où se découvre votre mulerie d’Auvergne(60), ou votre ânerie d’Arcadie, quoique, dans les procès séculiers, vous soyez on ne peut plus fin. » Et contre l’église, page 84, «  … et faites dire une bonne messe, afin d’être bien inspirés. Car, sans cela, c’est fait de notre sainte mère putain l’église romaine, et nous serons fils de putain; … » ; et encore page 50 : « à ce point, pourrais-je dire, que si tous les sots gagnaient le ciel, monsieur le ci-devant président serait déjà à mille lieues au delà du ciel de la lune. »(61)

Cela a donné aussi quelques savoureuses pièces ironiques :

Sur un prêcheur ayant décrit l’enfer : « Eusebe : Car il a parlé fort disertement & fort profondément, & de matières biens obscures & profondes. Hilaire : Il ne pouvait pas parler plus profondément. Car il est allé jusqu’au centre de la terre. Pour ce je suis ébahi de ce qu’il a parlé si clairement, de matières tant obscures, et de ces lieux tant ténébreux, auxquels on ne voit goutte. Car jamais le soleil n’y luit ».(62)

« Ces théologiens me font souvenir du proverbe ancien de la règle lesbienne, laquelle était de plomb. Parquoi, les maçons Lesbiens la faisaient ployer comme ils voulaient. Et au lieu qu’ils devaient mesurer & compasser leur ouvrage par icelle, & les pierres qu’ils taillaient, & les murailles qu’ils édifiaient, & les redresser, si elles n’étaient bien droite & compassées, ils faisaient tout au contraire : car ils courbaient et ployaient leur règle, pour la faire convenir avec leur ouvrage, au lieu qu’ils devaient faire convenir l’ouvrage à icelle. Et parainsi elle leur obéissait en toutes choses. Et au lieu de corriger leur œuvre par la règle, ils corrigeaient la règle par leur œuvre. Ainsi sont plusieurs des lois, lesquelles on fait convenir aux mœurs & aux affections des hommes, au lieu qu’ils dussent être corrigés & réglés par icelles, non pas les lois par les affections humaines. »(63)

sur la pratique de se donner des titres en « ime » : « Très dignes & discrets Scotistes ! / Docteurs subtils, subtilissimes, / Docteurs illuminatissimes, / Docteurs solennens, séraphiques, / Irrefragables, Deifiques, / Ne voyci pas vos vrais esbats ? »(64)

La déchéance de l’église romaine ne pouvait signifier que la déchéance du monde, la pauvreté, les maladies, le désordre :

« Tobias : quand je vois l’état & le train de plusieurs villes & cités, il me semble que je ne vois des cavernes de larrons & de brigands. Car il n’y a presque métier, art ni pratique, qui ne soit une escroquerie & une briganderie, pour couper la gorge aux pauvres gens. Quand je considère l’amitié & l’accord que les pays, cités, villes, villages, voisins, parents, amis, frères, sœurs, & généralement tous hommes, ont les uns avec les autres, & principalement les rois & les princes, il m’est avis que je voie des griffons, des lions, des ours, des sangliers, des loups, des chiens, des pourceaux, des renards, des aspics, des vipères, des scorpions & des basiliques, des aigles, des faucons, & autres oiseaux de proie, & toutes formes de bêtes sauvages enfermées toutes ensemble en un parc, ou une cage de fer, lesquelles s’entrebattent, piquent, mordent, déchirent, dévorent & consomment les unes les autres. »(65)

Et si le pouvoir religieux, voire le pouvoir politique était la cause des malheurs du monde, il y avait alors raison de se révolter, comme cela est suggéré dans cette « Description des malheurs du monde » datée d’avant 1591, et que l’on pourrait presque voir comme « révolutionnaire » :

« 
C’est un malheur de voir les rois & princes,
Dominateurs de peuples &provinces,
Au lieu d’aimer justice & piété
Nourrir erreur & toute iniquité.
… »(66)

Guerre et attaques personnelles

Pourchassés, brûlés, les réformés étaient aussi attaqués sur leurs mœurs (on le verra de manière plus précise dans le chapitre suivant) ; on se rappelle les accusations portées sur les vaudois, cela sera monnaie courante, pour démontrer la fausseté de la nouvelle secte il fallait montrer leur duplicité, les attaquer par là où ils critiquaient l’église catholique. Ceux-ci se défendirent :

« Tobias : On dit en commun proverbe, que quand on veut mal à un chien, & qu’on le veut faire tuer, on lui met dessus qu’il est enragé. Il y en a aussi, qui ne peuvent souffrir les prêcheurs, qui ne veulent & ne savent être chiens muets, tels que plusieurs les désirent. Et pourtant on leur met la rage sus, pour les rendre odieux à tous, afin que leur personne & leur ministère aient moins d’autorité. »(67)

« C’est donc une impudence par trop désespérée à ceux qui osent bien nous décrier & diffamer comme si nous entretenions les paillardises, & nous faire le même reproche que jadis on faisait aux Chrétiens, que nous faisons nos assemblées de nuit pour paillarder : car nos adversaires osent ramener encore ces vieilles calomnies toutes rances, que la longueur du temps, pour le moins, devrait avoir abolies. Mais quelle apparence y a t-il en leur dire ? Car si nous approuvions la paillardise, nous n’aurions que faire de sortir de la papauté, en laquelle ce crime n’est estimé vice, comme chacun le fait. »(68)

Et contre-attaquèrent en ciblant les personnages qui s’élevaient le plus violement contre eux, ce qui constituait au XVIe siècle une transgression, car les attaques nominales, qui remettaient en cause de manière publique l’honneur des personnes, étaient perçues comme particulièrement odieuses. On pourra citer sur ce point Jacques Peletier du Mans dans son traité de poétique : « Il n’y a chose si odieuse qu’une répréhension personnelle qui se fait publiquement », et Joachim du Bellay « Taxer modestement les vices de notre temps et pardonner aux noms des personnes vicieuses »(69):

Mais cela ne fit pas reculer les polémistes réformés qui attaquèrent de manière systématique ceux qui s’élevaient contre eux par les mots ou par les armes : 

contre Pierre Lizet: « Ordonc, voici ce qu’ils racontent : le pape actuel, Jules III, bien qu’il ne sache pas plus de latin qu’un militaire et soit meilleur canoniste que théologien, s’étant fait lire un jour quelques pages de votre livre, en eut telle estime, qu’il le fit porter à son cabinet, id est à sa chaise percée, que des truffeurs veulent nous donner pour celle de saint Pierre : cette chaise où le pape fait caca, non en qualité de dieu sur la terre, mais en la qualité de son humanité cacaturiante. Et là, comme il voulut s’en torcher le derrière, il trouva votre style si dur, qu’il s’en écorcha tout le siège apostolique ; et il dit en se frottant les fesses : en vérité c’était un montigène(70), tant il était dur et âpre ! », et sur son physique pages 10&11 : « « Ah ! vous parlez de monsieur le ci-devant président, » ce dit-il, « en voilà un bon numéro ! Comment va monsieur son nez ? est-il pas toujours damasquiné ? Ce bon Jean de Gagney, notre maître, disait que tous les hérétiques étaient pâles. Tirez la conséquence. Monsieur le ci-devant président est aussi rouge qu’une bouteille de vin théologal ou rosé, ergo il n’est pas hérétique. Et comme il ne peut pas être cardinal, c’est à dire gond ou pivot de la sainte église apostatique par la tête, il l’est par son équivalent,  id est par le nez ; car qui ne serait assez hérétique pour soutenir qu’un nez ne vaut pas bien un chapeau ? L’antécédent est prouvé pour quiconque a admiré sa naséitude. Ergo, etc. »(71)

contre Artus Désiré : «  Car, comme dit Artus Désiré, en ses admirables rimes de Normandie, ces hérétiques sont si mélancoliques que vous les diriez morts ; aussi sommes-nous grandement obligés à bon nombre de nos vénérables maîtres, et surtout au susdit monsieur le ci-devant président, et à l’âne d’or, id est Pierre Doré, et enfin au susdit Artus, pour nous avoir fournis de rire en telle provision, que nous en voilà engraissés pour plus de cent carêmes. ». Artus Désiré (« l’Affamé »)est aussi l’un des trois sauveurs du pape que Satan va chercher dans [178], celui « qui sache écrire en toutes langues / Des invectives et harangues, / Pour rembarrer et faire taire / Ces ânes qui ne font que braire / Contre les abus de la messe, / Cette noble et brave déesse / Qui si bien remplit nos chaudières. » (page 36) et qui se dit de lui même page 50 : « Quant à moi, un chacun je sers, / Pour argent, en prose ou en vers : / Aussi ne vis-je d’autre chose / Que d’écrire en rime ou en prose. »(72)

contre Villegagnon (« L’outrecuidé »), un des trois personnages venant à la rescousse du pape à qui son secrétaire conseille « C’est qu’il vous convient retourner / Un peu votre robe à l’envers, / Et tenir propos tous divers / A ceux que tenir vous fouliez / Et feindre comme si vouliez / Contre ces huguenots écrire / Pour leur doctrine & eux détruire. » (pages 43&44), conseil qu’il compte bien suivre « Ton conseil pertinent je trouve, / Et comme expédient l’approuve / Après que je l’ai bien gouté. / De fait, je suis bien dégouté / De cette nouvelle doctrine / Qui tout plaisir mondain ruine, / Et qui veut ainsi retrancher / Tous les foulas de notre chair. / Quant à moi, j’aime le déduit, / de Venus de jour et de nuit : / Outre plus je tiens de mon père /Que j’aime à faire bonne chère … » (page 44), ce qui correspond exactement à ce que recherchait Satan : « Quelqu’un qui forge & qui controuve / A tous propos bourdes nouvelles, / Pour éteindre les étincelles / Du grand bruit qui court de leurs faits. »(73)

contre Antoine de Mouchy(74), dit Demochares (« Le zélateur »), dans lequel Satan trouve son troisième larron : « Et après faut que j’ordonne / Quelque baudet de la Sorbonne, / Criard, mutin, opiniâtre, / Fol, insensé, acariâtre, / Soit docteur soit bachelier / Rempli du zèle du celier,/ Qui fasse très bien son devoir / De mutiner & émouvoir / Le pauvre ignorant populaire / A quelque sédition faire / Contre ces faux luthériens, / Disant que ce sont loups et chiens / Qui sont entrés en l’héritage / De Dieu, pour y faire ravage, / Et mettre sainte mère église, / Si faire se peut, en chemise. »(75)

contre Nicolas Maillard, doyen de la Sorbonne, sur lequel Satan s’exclame : « Qui donc ? notre maitre paillard ? / Ce vénérable sodomite. / Non, non, Artus je te le quitte, / Garde-le pour chose qui vaille, / Ce Maillard qui ne vaut pas maille. / Je n’en veut point, c’est une idole, / Un âne, un grenier à vérole, / Un chien qui jappe, et ne peut mordre, / Qui sait fort bien la gueule tordre, / Hannir, cracher, moucher, tousser, / Taper des pieds, claquer des mains, / Jetter ça et là regards meints / Et faire des yeux l’avantgarde / Pour voir si chacun le regarde : / Car il s’estime être le veau / De la Sorbonne le plus beau. »(76)

contre Antoine Cathelan : « Monsieur le singe Passavant / Asne derrière, asne devant, / Autrement Antoine du Val, / Grand asne faisant du cheval»(77)

ou même Jean Calvin dans « Réformation pour imposer silence à un certain bélitre nommé Antoine Cathelan jadis cordelier en Albigeois » :
« Combien qu’aujourd’hui beaucoup de sottes bêtes se mêlent de brouiller le papier tellement que tantôt les gens savants auront honte de faire imprimer, toutefois à grand’peine trouvera-t-on qui surmonte un certain bélitre nommé Antoine Cathelan. »(78)

contre la maison de Lorraine qui fut une des cibles privilégiées des attaques des réformés, d’abord par un jeu sur un anagramme de leur nom, entre larron et Lorraine : 

« Si vous voulez de vostre nom
Tost avoir certaines nouvelles,
Ostez uni de vostre nom
Et transportez les deux voyelles. »(79)

Charles de Lorraine (El Greco, 1571)

 

contre le cardinal Charles de Lorraine :

 «  Si lors qu’Henry vivoit encor
Tu as, meschant, ravy tout l’or
Et tout le bien de France, en sorte
Que le peuple en estappauvry,
Ton nom tourné(80) à bon droit porte
Que – Raclé as l’or de Henry. »(81)

et encore:
« Cardinal de la ruïne
Tu es digne
D’avoir place au plus bas lieu
D’enfer ; car dès ta jeunesse
Tu ne cesses
De faire la guerre à Dieu 
»(82)

contre le duc de Guise, [197] pages 77&78, 1562 :

« Ce grand tyran, qui jadis exerça
Sa cruauté et barbare entreprise ;
Ce grand bourreau, qui du Seigneur l’Eglise
Pourchasse à mort depuis vingt ans en ça ;

Ce furieux tigre enragé forcé a
Une maison à Vassy par surprise,
Où tout ravit comme en ville conquise,
Et le troupeau du Seigneur renversa

 

Ce grand bourreau fait apparoir ses forces
En égorgeant enfans et femmes grosses ;
Et non content d’avoir fait ce beau coup,

Il se promet que par toute la France
Ainsi fera : mais Dieu, par sa puissance,
L’abismera aux enferstout d’un coup. »

Antoine de Navarre

Contre Antoine de Navarre qui par intérêt venait de rejoindre le triumvirat(83):

« Marc Antoine, qui pouvoit estre
Le plus grand seigneur et le maistre
De son pays, s’oublia tant
Qu’il se contenta d’estre Antoine,
Servant laschement une reine :
Possible en fera-t-on autant. »

Et même contre la royauté, même si cela se développa surtout après le massacre de la saint Barthélemy: un sonnet recueilli par l’Estoile et peut être d’Etienne Pasquier , sur la mort du roi Charles IX:

« Plus cruel que Néron, plus rusé que Tibère,
Haï de ses subjects, moqué de l’estranger,
Brave dans une chambre et couard au danger
Mesdisant de sa sœur, despit contre samère,

Envieux des hauts faicts du roy Henri son frère
Du plus jeune ennemi, fort prompt à se changer,
Sans parole, sans foy, sinon à se vanger,
Exécrable jureur et public adultère,

Des églises premier le domaine il vendit
Et le sien et l’autrui follement dependit.
Tout son regne ne fust qu’un horrible carnage,

De vilains il peupla l’ordre des chevaliers,
La France d’ignorants prelats et conseillers
Et mourut enfermé comme un chien qui enrage. »(84)

Catherine de Médicis ne fut pas épargnée, elle l’italienne, elle l’étrangère, tel dans ce texte du « Réveille- Matin des François » de 1574 ou on fait parler la paix(85):

« Mon père fut un diable des-guisé
Dessous l’habit d’un prestre supposé
Monstre fatal, composé de tout vice,
Trouble-repos, estable d’avarice,
Dont s’eschauffa celle noble putain,
Le sang infect des bougres d’Italie,
Qu’un pape au col des Valois attacha
Et dans le sein de nos roys la cacha,
Pour y nourrir la fammèche allumée
Dont France un jour fust toute consumée
Cause de maux semence de malheurs. »

Catherine de Médicis

 

Ou encore:

« Mon père fut un diable des-guisé
Dessous l’habit d’un prestre supposé
Monstre fatal, composé de tout vice,
Trouble-repos, estable d’avarice,
Dont s’eschauffa celle noble putain,
Le sang infect des bougres d’Italie,
Qu’un pape au col des Valois attacha
Et dans le sein de nos roys la cacha,
Pour y nourrir la fammèche allumée
Dont France un jour fust toute consumée
Cause de maux semence de malheurs. »

Mais au delà de l’écrit ou des bons mots, il fallait se défendre, et se défendre par les armes, voire conquérir par la guerre qu’il fallait donc justifier. C’est le but de cette chanson de 1562, « Le chant de la guerre civile» :

Maintenant qu’un prince s’essaie
Blesser d’une mortelle plaie
Tous ceux qui font profession
De la vraie religions,
Nous avons beau gemir et plaindre
Crier Deu,les mains au ciel joindre
Et plorercomme effeminez,
Ces meschans feront leur massacre
Et Dieu n’enverra pour les battre
Un escadron d’anges armez.

Mais si, laissant les vaines larmes,
Nous empoignons les fortes armes ;
Et si nous avons plus d’espoir
En Dieu qu’en nostre humain pouvoir,
Il nous armera de sa grace ;

 

Pour repousser bien loin l’audace
Qui nous oseroit assaillir,
Et rendre l’Eglise asseurée
D’un repos de si grand’ durée
Qu’il ne puisse jamais faillir.

Donques, o seigneur, favorise
Nostre nécessaire entreprise.
Nous avons devers toi recours ;
Ne nous dénie ton secours.
Ces armes ne sont offensives,
Seigneurs, elles sont deffensives.
Déjà nos haineux sont armez :
La guerre nécessaire est juste.
Fay donc nostre main plus robuste,
Et ren nos cœurs mieux animez»(86)

Avec la guerre, ce n’était plus la défaite intellectuelle qui était recherchée, mais la destruction de l’autre. Il fallait célébrer les victoires, et célébrer les défaites des ennemis. La mort du duc de Guise par Poltrot de Méré, vue par les catholiques comme un assassinat, « le premier » assassinat politique dans un monde qui n’était plus chevaleresque, et par les réformés comme l’acte d’un juste risquant sa vie pour la paix et pour Dieu, a donné prétexte à une abondante production littéraire, et à moult chansons. On donne des extraits de deux de ces chansons ci-dessous, la première, datée de 1564 et décrivant l’acte lui même:

« Durant que le Guisart gouvernait nostre France,
Citadins d’Orléans vivoyent en grand’souffrance :
Dieu suscita le vaillant de Méré
Qui le Guisart a massacré.

Le Guisart est passé tout du long de la haye.
Poltot le devança, lui fest mortelle playe
Et luy donne à ce verd galand,
Dedans l’espaule bien avant.

 

Le Guisart s’escria en tombant de la selle :
Hélas ! je suis blessé au dessous de l’aiscelle.
Disant tout haut : O mauldits huguenots !
Le monde n’a par vous que maux.

Qui fit ceste chanson ? Un enfant de la ville
Faisant profession de suivre l’Evangile.
Au bout de l’an revisita le lieu
Pour en rendre louange à Dieu. »(87)

[197] page 126, sur la mort du duc de Guise, tué par Jean Poltrot de Méré:

« Henry – Poltrot – les pervers
M’esleva – m’occit – me pleurent
L’orgueil – la honte – et les vers
Me nuit – me suit –me demeurent. »(88)

Et sur ses funérailles, une longue chanson qui fut sans doute le modèle de celle de Marlborough:

 

François, duc de Guise

 

 

« Qui veut ouïr chanson ?
C’est du grand duc de Guise,
Et bon, bon, bon, bon,
Di, dan, di,dan, bon,
C’est du grand duc de Guise
Qu’est mort et enterré.

Qu’est mort & enterré (bis).
Aux quatre coins du poële,
Et bon, bon, bon, bon,
Di, dan, di,dan, bon,
Aux quatre coins du poële
Quatre gentilshom’s y avoit.
….
Et tous les biaux enfans (bis).
La cérémonie faicte
Et bon, bon, bon, bon,
Di, dan, di,dan, bon,
Chacun s’allit coucher.

Chacun s’allit coucher (bis)
Les uns avec leur femmes
Et bon, bon, bon, bon,
Di, dan, di,dan, bon,
Et les autres tout seuls. »(89)

Bataille de Saint-Gilles (Franz Hogenberg)

ode sur la bataille de Saint-Gilles, écrite en 1562 :

« 
Ainsi tous unis
Rompent la bataille
De noz ennemis
Que Dieu rua bas
Par son puissant bras
Qui pour nous bataille.

Lors, tous esperduz
Se sont mis en fuite
D’eux-mesme, & perdus ;
Car la forte main
Du Dieu souverain
Leur faisoit poursuite.

 

Dans le Rosne armé
L’un se precipite,
L’autre desarmé
Au poignant buisson
Comme un herisson
Se cache & depite ;

Si qu’il aimoit mieux
Perir dedans l’onde
Et, fust jeune ou vieux
Au buisson rostir
Plustost qu’en sortir
Pour vivre en ce monde.
… »(90)

En l’honneur du prince de Condé, un extrait de la « chanson du Petit Homme et des Cocus de Paris » :

« Le Petit Homme a si bien fait
Qu’à la parfin il a défait
Les abus du Pape de Rome,
Dieu gard’ de mal le Petit Homme ! 

Le petit homme, pour la foy,
A voulu deffendre le roy
Encontre le pape de Romme ;
Dieu gard’ de mal le Petit Homme ! 

Mais encontre lui s’esleva
Un guyse qui mal s’en trouva,
Défendant le pape de Romme ;
Dieu gard’ de mal le Petit Homme ! 

 

Pourtant il ne peult eschapper
Que Merey ne vint l’attraper,
Sans avoir dispense de Romme ;
Dieu gard’ de mal le Petit Homme ! 

Après tant de belliqueux faits,
Le roy nous a donné la paix
En dépit du pape de Romme ;
Dieu gard’ de mal le Petit Homme ! »(91)

Honneur des martyrs

Si la mort du duc de Guise fut célébrée, son assassin fut néanmoins pris et subit les derniers supplices. Après des tortures terribles pour essayer de le forcer à dénoncer le prince de Condé, il reçut le châtiment des régicides, et fut écartelé ; le choix de ce supplice en dit long sur la hauteur à laquelle la maison de Lorraine était parvenue à se placer, profitant de la faiblesse des derniers rejetons des Valois. La mort de Polttro de Méré fut célébrée comme celle d’un nouveau martyre :

« Quand ce brave Poltrot, au supplice estendu,
Encourageoit sa chair à prendre patience,
L’amour saint du pays fut alors entendu
En pitié consoler ainsi son innocence.

Mon cher enfant, par qui la paix retourne en France,
Qui n’as d’un si haut fait autre bien attendu,
En souffrant ce tourment contre ton espérance,
Le loyer t’en sera ès deux mondes rendu.

 

 

Un jour ne sera plus la France opiniastre :
Lors elle te sera mère, et non plus marastre,
Te faisant  vivre entier à la postérité.

Hippolite revesquit, qui fut ainsi traité.
Mais, sus, au ciel, mon fils, Dieu t’ouvre la barrière,
Et voicy les chevaux pour fournir la carrière. »(92)

Sur le massacre de Wassy:

« 
Inspiré d’un sacré zèle,
Gloire et honneur te rendoit :
Ilz estoient là tous ensemble,
Convoquez dedans un temple,
Escoutans ta saincte voix,
Qui leur ame avoit ravie,
Tant elle estoit resjouie
Des paroles de tes loix.

 

 

 

Lors ce tyran plain d’audace,
Envieux de ton honneur,
Met en effect la menace
Qu’il couvoit dedans son cœur.
Il se depite, il commande
Que ceste tant humble bande
Soit tout soudain mise à mort,
Et luy-mesme, rouge d’ire,
Les vient blesser et occire
Par un trop cruel effort.

… »(93)

Chanson sur le carnage de Vassy (1562)

« …
Nostre roy par sa clémence
Les grans feus avoit estaint
Dont la misérable France
Martyroit son troupeau saint.
La fureur du peuple instable
Auparavant indomtable
Obéissoit à sa loy.
Et la France ores destruicte
Jà de peu à peu réduicte
Recevoit ta saincte foy.

Quand d’une brave entreprise
Et d’un cœur trop orgueilleux.
François prince & duc de Guyse
Rompit un cours si heureux ;
Quand la fureur, &la rage
Qu’il portoit en son courage
Contre la religion,
Fut si extrême & si forte
Qu’elle peut froisser la porte
De la simulation.

 

Ce petit troupeau fidèle
Qui à Vassy te servoit,
Inspiré d’un sacré zèle
Gloire & honneur te rendoit :
Ils estoient là tous ensemble
Convoquez dedans un temple
Escoutans ta saincte voix
Quileur âme avoit ravie,
Tant elle estoit resjouie
Des paroles de tes loix.

Sus donc, ô Dieu, pren les armes,
Venge ce sang espandu ;
Seigneur, tu as veuos larmes,
Tu as nos cris entendu,
Console donc nostre plainte
Et par ta droiture sainte
Envoy ce prince au cercueil,
D’une mort juste & fatale,
SI bien que sa peine égale
La fierté de son orgeul.

… »(94)

 

Sur le massacre de la Saint Barthélemy, [193] pages 288 à 294, poème de Etienne de Maisonfleur :

« Toutes nos voix, faites plaintes,
Toutes nos lampes esteintes,
Tous nos temples desmolis ;
Nos églises dissipées
Nos unions desliées
Et nos presches abolis ;

Sortans comme de leurs ruches
Ils ont dressé des embusches ;
Puis en leurs coeurs ils ont dit :
« Tuons tout ! C’est la journée
Qui nous estoit destinée
Pour tuer tout dans le lict. »

 

Puisque les tyrans de France
Dans le sang de l’innocence
Vont leurs mains ensanglantans,
C’est bien un indice extrême
Qu’il leur en prendra de mesme
Avant qu’il ne soit peu de temps.

Quant à moy, je prophétise
Que le chef de nostre Eglise
Qui fait au ciel son séjour,
Si nous en avons patience,
Nous en fera la vengeance
Avant qu’il ne soit an&jour. »

 

Devant ces revers il fallait chercher courage dans la certitude de sa foi, il fallait susciter la volonté du martyre :

« Je pren en gré la dure mort
Pour la vérité soustenir :
Combien que ce soit à grand tort
Que les meschants m’y font venir.
Si me faut il tout coy tenir
Puis quele seigneur m’y appelle,
Sçachant que c’est pour revenir
Corps & ame en vie éternelle. »(95)

Parmi les textes écrits à la suite de la saint Barthélemy, « Le réveille-matin des François, et de leurs voisins » ([209]), signé par « Eusèbe Philadelphe(96), cosmopolite », est sans doute le pamphlet le plus célèbre. Il se fait le porteur à la fois d’une haine farouche contre les Valois, haine associée à Catherine de Médicis, celle qui est, pour l’auteur, à l’origine de tous les maux de la France (voir plus loin quelques extraits), allant jusqu’à suggérer que les Guise puissent réclamer la couronne de manière légitime comme descendants de Charlemagne. C’est aussi un texte politique qui tend à mettre au-dessus des nations la communauté religieuse ; Eusèbe Philadelphe, bien qu’écrivant pour les Français, se dit cosmopolite. Cela ne peut que conduire à justifier l’intervention étrangère quand il s’agit de défendre les droits supérieurs de la religion par rapport à l’attachement à la patrie.

« La constance des fidèles est inexpugnables », écrite vers 1575:

« Des tyrans le selon courage,
De leurs bourreaux la cruauté
Parfois esmeut le fermeté
De l’homme chrestien qu’on outrage.
Toutesfois le mal qu’il endure
Ne luy peut oster de l’esprit
L’amour qu’il porte à Jésus-Christ,
Qu’en croix toujours il se figure.

Comme le bled, dessous la glace
(Caché sans aucune vigueur,
Quand l’hiver rempli de rigueur
De mort entière le menace)
Attend le retour favorable
Du soleil qui le vient nourrir,
Le pousse au jour, le fait mourir
Pour estre aux humains secourables.

Ainsi en prend-il au fidelle,
Au temps de presécution.
Il gist sous la tentation,
Et sous l’insolence cruelle,
Tandis sa foy fait qu’il espère
Que celui qui change le temps,
Et rend les cœurs tristes contens,
Sçaura pourvoir à sa misère.

 

le peut tourmenter par geines ;
Les pieds, les mains lui enferrer,
Dedans un cachot l’enserrer,
Et le lier de fortes chaines :
Mais on ne peut lier son âme,
Qui peut à Dieu voler d’ici ;
Maugréle méchant endurci,
De cœur, de voix il le réclame.

O tyrans, que pensez-vous faire ?
Quoy ? cuidez-vous par les tourmens
Dompter du Seigneur les enfans,
Et de son amour les distraire ?
Sur leurs corps vous avez puissance,
Si Dieu vous la veut faire avoir :
Leurs âmes sont hors du pouvoir
De vostre cruelle arrogance. »(97)

 

Sur les massacres de Cabrière et Mérindol, la chanson écrite vers 1545 et qui se chantait sur l’air de « O combien est heureuse ! » :


Sont entrez dans Cabrière
Pour la prendre & piller ;
Femme, fille & chambrière
Pour forcer, violer ;
Et meurtrir les enfans
Qui n’avoient pas trois ans.

A mainte femme enceinte
Le ventre ils ont fendu,
Sans avoir de Dieu crainte.
Les enfans ont pendus
Qui n’avoyent pas trois mois,
Au bout de leurs harnois.

Enfin, on ne peut conclure sans mentionner le long martyrologue édité par Jean Crespin : « Histoire des martyrs persécutés et mis à mort pour la vérité de l’évangile, » ([60]), qui s’attache à mettre un nom à chaque tué, et à décrire par le menu les circonstances de l’exécution. Ce n'est certes pas un livre à la gloire de la répression catholique. Il dresse le catalogue des milliers de morts des guerres de religion du 16° siècle, et réserve quelques pages à l'histoire de l'exécution de Mérindol et de Cabrières.

La production catholique

« Le droict chemin qu’on tiendra san feintise.
Pour tous salut est de suyure l’Eglise
Et du vray but qu’on tiendra le plus seur,
Gift ne manquer à son predecesseur. »(98)

Refus de la discussion

Si les huguenots voulaient convaincre, expliquer, ce n’était pas le cas du camp catholique au début des guerres de religion. Pour l’Eglise, il ne s’agissait pas de partager son savoir avec le peuple; cela procédait de la même résistance que l’Eglise apportait à la diffusion des textes saints en français. Henri Estienne, dans son « Apologie pour Hérodote » publiée en 1566, dénoncera « … qu’il n’y a pas trente ans, il se fallait autant cacher pour lire une Bible traduite en langue vulgaire, comme on se cache pour faire de la fausse monnaie »(99). Ainsi Artus Désiré, dans « La singerie des huguenots, marmots(100) et guenons … »(101) défend que :
«  Dieu a donné …(à la) saincte église catholique …le vray sens & intelligence de la saincte escriture … qui ne l’a voulu communiquer à tout le monde, pour le mespris & contemnement qu’on en eust faict. Mais seulement aux venerables docteurs & autres gens de sçavoir, qui ont faict profession és sainctes escritures, & de l’ouverture d’icelle, pour coupper & distribuer le pain de ladicte escriture au simple peuple, qui le doit prendre & recevoir de leur main en toute humilité de cœur, sans se formaliser ne enquerir, pourquoy, & comment les haults mysteres de Dieu se peuvent faire, mais croire fermement que tout ce qu’il luy est baillé par ladicte Eglise, est pour son salut & proufit. »

Pierre de Ronsard

 

Et Ronsard lui-même qui veut se placer aux antipodes du rationalisme protestant :


«  Il fait bon disputer des choses naturelles,
Des foudres et des vents, des neiges et des gresles,
Et non pas de la foy, dont il ne faut douter ;
Il faut seulement croire et non en disputer ».
(102)

Il ne fallait ainsi pas essayer de raisonner le peuple, de lui montrer la fausseté des arguments des réformés, mais seulement condamner ceux-ci aux fagots(103), car ils persisteraient dans leur erreur comme le martèle Artus Désiré encore:

« C’est vne chose toute prouuee, qu’ils ayment mieux eslire la mort que se convertir, tant sont superbes & ambitieux, ce qui les faicts tomber en eternelle damnation, faute d’humilité…(104)

Mais il ne fallait pas seulement le réclamer, il fallait faire en sorte que cela soit mis en application, et la « communication », si on peut utiliser un tel néologisme, fut un des éléments qui favorisa le déclenchement des guerres de Religion et les massacres qui y furent commis.

 

La cause de la misère

A la fois le pouvoir et le peuple devaient mener la lutte, et toute une panoplie d’arguments, allant au-delà des controverses théologiques, fut développée. Le pouvoir d’abord : la défense catholique allait associer le respect dû à l’Eglise de Rome au respect dû au prince. Le refus de questionner les dogmes et le culte, était ainsi associé à l’acceptation de la hiérarchie sociale et des privilèges et devoirs des différentes classes sociales dans la société et entres elles. Le roi, les seigneurs, pour maintenir leur rang, pour pérenniser leur pouvoir, devaient s’associer à la lutte contre la réforme, contre cette volonté de remettre en cause ce qui était le fondement de la société(105), ainsi que pour s’assurer du soutien de l’Eglise dont leur pouvoir procède, et qui pouvait assurer la pérennité du pouvoir monarchique en liant pour le peuple la religion et ce dernier :

« Ey Aussi des Anglois leur mortelle ruine,
C’est qu’ilz né font estat ny de Roy, ny de Royne.
Ilz veulent seulement eux-mesmes maistriser,
Et user de Iustice qu’ilz ne peuuent priser .
 »(106)

«  Leurs sermons ne leur servent, sinon pour appeler le Pape Antechrist, et les Cardinaux cuisiniers, et les Prestres et Moines vermine et cafardz, et les Roys et Princes Bourreaux et tyrans du Pape, et de l’Antechrist : le tout en présence de leurs seigneurs sans en estre punis, ny moins reprins. Et tout le peuple est instruict à vivre en toute liberté de vie, sans aucunes œuvres. Et je te laisse penser quelle vie tient l’homme, qui est en sa liberté, et sans craincte ny de Dieu, ny des hommes ».(107)

« Voyant, Madame, au milieu de la France,
D’affections se couvrir l’ignorance,
J’ay toujours creu, et tant que je vivray,
Jusqu’à l’extreme, à jamais je croiray,
Qu’après son Dieu, et la foy qui est mise
Par Jesus Christ en l’ordre de l’Eglise,
On doit aymer le sainct gouvernement,
Qui est soubs Dieu regy premierement,
Puis soubs un Roy, qui seul en sa province
Comme aux subjects, commande à chacun Prince. »(108)

C’est avec moins de talent que Gariel de Saconay appelle le roi à la chasse :
«  C’est donc à cette chasse qu’il faut que le lyon royal treschrestien s’exerce principalement, obeissant au grand lyon eternel de la lignee de Juda, pour conserver la vigne de Dieu en sa fleur & vigueur, qui est sa saincte eglise catholique, & aussi maintenir ses bons sujects en paix & tranquilité, delivrer sa coronne, voire sa propre vie, des aguets & machinations de cauteleux regnards & loups ravissants. A la chasse, François catholiques, à la chasse, suivans votre roy pour prendre ces bestes feroces, chiens enragez, & singes mal faisans transformez. »(109)

Exaction des Huguenots ([321])
Les Huguenots exercent toute sorte de cruautés envers les catholiques et surtout envers les prêtres. Leur rage mesme sestand sur les morts car ayant ouvert les tombeaux et deteré les corps saints qui y reposoient ils foulent les saintes reliques aux pieds, ils les jettent dans la mer sans estre toché d'un miracle qui debvoit les faire rentrer en eux mesmes, car ayant donné plusieurs coups despées dans l'un de ces corps saints enterré despuis longtemps il sortit de ces blessures du sang très vermeil quoy que le corps fut entièrement desseché.

 

Et même le modéré Nicolas Durand de Villegagnon dans « Responce par le chevalier de Villegaignon aux remontrances faites à la reyne … » voit dans le mouvement protestant le germe de la révolte :
« Je m’estois bien apperceu au commencement de votre livre, que vous en vouliez aux princes, & que tout ce que vous faicte, tend à rebellion, vous avez maintenant descouvert le pot aux roses en lavant si bien la teste ausdicts princes, &en leur place faisant lieutenant de dieu, les pauvres affligés de votre secte, qui sont la plus part de pauvres moynes reniez, nonnains & prestres, et gens las de leur condition. »(110)

Artus Désiré et Antoine Cathelan à qui nous devons ces deux extraits, ne sont certes pas les hérauts souhaités par le cardinal du Perron, mais même le grand Ronsard, du haut de sa renommée inégalée, entra avec tout son talent dans la bataille. Il faut reconnaître qu’au début des troubles il avait été assez modéré, et prêchait plutôt pour la conciliation et le pardon, mais après la massacre de Wassy qui déclencha une vague de violations de sépultures dans sa province, il prit au propre et au figuré les armes pour défendre ses convictions. Il reproche en particulier aux parlements leur laxisme:

« Si vous eussiez puny par le glaive trenchant
Le huguenot mutin, l’heretique meschant,
Le peuple fust en paix ; mais votre connivence
A perdu la justice et l’empire de France »
puis exhorte les princes à combattre les hérétiques pour sauver la France:
« N’espargnez vostre sang, vos bien ny vostre vie :
Heureux celuy qui meurt pour garder sa patrie !...
Que chacun à la mort fortement s’abandonne,
Et de ce jeune Roy redressez la couronne !
Redonnez-luy le sceptre, et d’un bras indonté
Combatez pour la France et pour sa liberté ».(111)

 

 

«  J’ai vu une fois brûler sur les grils quatre ou cinq seigneurs importants (et je crois même qu’il y avait deux ou trois autres paires de grils où d’autres brûlaient). Comme ils poussaient de grands cris et qu’ils faisaient pitié au capitaine, ou bien qu’ils l’empêchaient de dormir, celui-ci ordonna de les noyer ; et l’alguazil, qui était pire que le bourreau qui les brûlait (et je sais comment il s’appelait ; j’ai même connu sa famille à Séville), n’a pas voulu les noyer ; il leur a d’abord mis de ses propres mains des morceaux de bois dans la bouche pour qu’ils ne fassent plus de bruit, puis il a attisé le feu pour qu’ils rôtissent lentement, comme il le voulait. J’ai vu tout ce que j’ai dit plus haut et bien d’autres choses, innombrables. Tous ceux qui pouvaient fuir se réfugiaient dans les forêts et grimpaient dans les montagnes pour échapper à des hommes aussi inhumains, à des bêtes aussi impitoyables et aussi féroces, à ces destructeurs et ennemis suprêmes du lignage humain. »
Bartholomé de Las Casas, 1552 ([198] page 56)

Tout prétexte était bon pour « démontrer » l’esprit subversif des adeptes de la nouvelle religion : la non reconnaissance de la rédemption apportée par le baptême, crime impardonnable, expliquait que celui qui le commettait  était prêt à tout: « .. je te laisse maintenant penser si telle vermine fera conscience de tuer soit leur propre père, ou autres, de desrober, de faire faux tesmoignage, d’affronter, de voler, d’empoisonner, de paillarder en quelque degré que ce soit, ou de faire une mutination et rébellion à ses seigneurs… »(112)

« O ciel, ô Terre, ô Mer, ô Dieu tout-puissant,
Ha ! comment souffrez-vous tel peuple vous laissant …. ;
Le fils les armes prend contre son propre pere,
La fille ne reçoit le vouloir de sa mere ;
Et tout ce mal ne vient d’autre chose, sinon
Que des autheurs de la nouvelle opinion. »(113)

« Et pource nostre devoir est de prier Dieu, qui luy plaise donner la paix et union entre les princes Chrestiens, à fin de mettre chacun en son païs tel ordre, que telles assemblées, et congrégations secrettes de telz Libertins (ennemis de toute Seigneurie et Echonomie), soit abatues : et puis tous ensemble mettre à feu et à sang telle secte de Bannis, et pleins de tous vices, à l’honneur de Dieu et triumphe de son Eglise. Amen ».(114)

Dans cette dernière citation, on voit poindre les prémices, dès 1552, de l’internationalisation des conflits, ce qui allait conduire à des jeux politiques qui seront, in fine, bien plus dangereux pour le royaume que les vagues iconoclastes.

Il est intéressant de remarquer que certains reprochaient aux réformés, après les exactions dont ils avaient été victimes suite aux décisions de la Sorbonne, de vouloir se venger, voire des defendre :

« O enfans desvoiez ! ou est cest Evangile,
Qui commande ou permet qu’on meurdrisse ou qu’on pille ?
Mais où ? en quel’Epistre a vostre Paul permis
De saccager son frere, et tuer ses amis ? …
Vous tuez qui vous tue : ainsi faisoit l’Ethnique
Dont Jesuschrist reprint l’impieté inique :
En ce vous declarez trop lourds réformateurs,
Qaund punissez le mal duquel estes autheurs… ;
Il n’y a rien de Dieu en telles entreprises,
En telz assassinatz, et en telles surprises
Des villes et chasteaux du domaine du Roy,
Et le vray heritage et de luy et de moy. »(115)

On voit ainsi, en ces périodes de crise économique, l’utilisation de « l’autre » comme cause, et donc la justification naturelle des politiques répressives.

Si les règles de la vie sociale n’étaient plus respectées, cela ne pouvait que conduire à l’anarchie, à la destruction des ressources de la France. En ce sens les huguenots étaient les vrais responsables de la destruction des récoltes, de la cherté de la vie :

« Car la loy de Dieu (comme dict auons) n’apporte iamais que paix, amour & vnion entre les vns les autres, & ne commande de prendre les armes contre son prince & son prochain, ne tuer, piller, ne desrober les cheuaux des poures laboureurs, qui sont contraincts de quicter leur labeur pour euiter voz cruautez & persecutions, ce qui nous cause vne charté de pain & vin par tout le Royaume de France…(116)

Susciter la haine

Calvin en « porc »
Cathédrale St. Sernin, Toulouse (sous le siège d’un chanoine)

 

 

Dans ce passage Artus Désiré touche aussi à une autre caractéristique de la propagande catholique, si la pertinence des argumentations théologiques ne suffisait pas, il fallait recourir aux fagots, et pour cela susciter la haine.
 Il fallait le support des puissants, mais il fallait aussi entraîner le peuple qui seul, sans doute, pouvait être conduit à exécuter les massacres nécessaires auxquels les nobles auraient rechigné, ce qui a été démontré lors des scènes de tueries qui ont accompagné la Saint-Barthélemy en 1572. Susciter la haine, cela allait être fait en développant plusieurs thèmes comme des leitmotivs, dans une impressionnante production imprimée. Insultes et calomnies devaient prendre le pas pour rabaisser les huguenots afin que leur mort puisse être justifiée comme on justifiait la mort des animaux nuisibles:


 « Voilà une merveilleuse forme d’élection fondée par noz Evangéliques nouvellement imprimez, tenant plus tost vie de bestes que d’hommes. »(117)

«  … qu’ilz ne soient point hommes, ce que la Nonnain de Vielmur, et la Charbonnière, et autres n’admettront pas de Calvin ny des autres paillards de leur Eglise, combien que par leur manière de vivre, ilz soient pis que les muletz ou asnes desbastez. »(118)

«  Tels sont juments, qui pourrissent en leur fiente, chevaux & mulets, auxquels n’y a d’entendement : ce sont pourceaux retournans à la fange, & chiens revenants à leur vomissement : qui a lors qu’ils se disent sages, sont faits fols, aveugles, & conducteurs d’aveugles : car leur concupiscence & malice les aveugle … »(119)

Gabriel de Saconay, chanoine-comte de Lyon, a développé cette animalisation dans plusieurs de ses ouvrages, en particulier dans la « Généalogie et la fin des Huhgunaux… » ([322]), où il explique en particulier les rasions pour lesquelles il est légitime de considérer les huguenaux comme étant des bêtes,

« …Parquoy lon peut dire avec l’Apostre (l’exposant selon la lettre) que n’avez eu à combatre avec le sang & la chair, à savoir avec hommes mortels, mais à l’encontre des principautez & puissances, avec les gouverneurs & princes de ce monde (comme les nomme Jesus Christ) contre les malices spirituelles qui sont és lieux celestes, lesquelles (ainsi que se discours demonstre) se sont comme bestes des champs, jouees, dit Job, en votre royaume, & y ont fait ces beaux mesnages . .. ce n’est par aucune moquerie, ains je demopnstre que j’ensuis Jesus Christ, qui appella le roy Herodes regnard, & les faux prophetes tels les heretiques, loups ravissans, qui se revestent de la peau de brebis & pourceaux, & gegeration de viperes, … ».


Un peu plus loin, il assène cette « vérité » qu’une « …bonne guerre est beaucoup meilleur & plus desirable qu’une paix impie… ».

Les bestes savent leurs remèdes ([322])

 

Enfin, il s’étend spécifiquement sur les raisons pour lesquelles l’analogie entre les «Guenaux » et les « guenons » justifie de les représenter sous la forme de singes, comme dans la gravure ci-après extraite de ce livre, ou comme cela sera fait de manière systématique dans le « Carmen de tristibus Galiae » ([321]) :


« ... Les autres disent, que Huguenaux sont appellez pour estre singes & imitateurs de Jehan Hus, qui fut bruslé au concile de Constance : car le nom de singe signifie aussi imitateur, si que les Latins appellent un singe, celuy qui imite les autres… Quoy que ce soit, transmuant une seule lettre nous dirons Huguenau, estre un guenau & un singe. Le François heretique a pris ce nom, pour s’estre plus tost transformé en singe & guenon qu’en autre beste, suyuant un certain naturel d’aucuns François, qui se rendent asses souvent imitateurs des nations estrangeres és meurs, gestes, & habillemens : qui est le propre du singe, comme nous dirons. »

Cette déshumanisation permettait d’enlever le peu de scrupules qu’avait l’homme du XVIe siècle devant les exécutions, mais il fallait aussi pousser à l’acte. Il fallait que les réformés deviennent les ennemis du peuple, et qu’on lui donne de bonnes raisons pour se faire justice. Un des premiers moyens fut de susciter le dégoût (ou l’envie) en dépeignant ces puritains dans l’âme comme d’impudiques paillards passant leur temps à forniquer, à boire et à manger, quand les bons chrétiens font abstinence ou carême :

« Il est bien vray, qu’en mariage chacun ha une femme publiquement : mais en secret, qui en peult avoir, qu’il en preigne. »(120)

«  L’église nouvelle ne veut endurer les jeunes, & discretion de viande reçue par commune tradition entre les enfants de Dieu. Les Israélites regrettaient les marmittes d’Egypte, pleines de chair, pour être assis dessus, & en manger leur saoul, comme porcs, & bêtes ravissantes : l’église nouvelle regrette la liberté de manger de toutes viandes, à ceux qui ne reçoivent préceptes ou commandements, qui ne veulent mortifier leur chair, mais vivre comme Epicuriens, & gens qui n’ont espérance hors de ce monde»(121)

 

«  A savoir ne permettent-ils pas contre la parole expresse, de même crédit que les anciens Juifs, que l’homme répudie sa femme, & elle vivante en prenne une autre, & même que l’homme quelque temps privé de la présence de son épouse, ou pour cause de maladie, ou de voyage, s’il se sent assailli des pointures charnelles, puissse s’escouler au préjudice de sa promesse ? »(122)

Le vice moral entraînait naturellement la délinquance civile, les huguenots devenaient des accapareurs et des voleurs des biens, des femmes, des filles, et les responsables des malheurs du pauvre peuple,

« Ce monstre arme le fils contre son propre pere,
Et le frere (ô malheur !) arme contre son frere,
La sœur contre la sœur, et les cousins germains
Au sang de leurs cousins veulent tremper leurs mains ;
L’oncle hait son nepveu, le serviteur son maistre ;
La femme ne veut plus son mary recognoistre ;
Les enfans sans raison disputent de la foy,
Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loy. »(123)

« Pasquin : Et tu m’as dit au paravent, qu’ilz ont une bourse pour les pauvres, de laquelle j’ay ouy dire qu’ilz marient des pauvres filles, et remontent ceux qui par les fortunes de ce monde ont estez privez de leurs biens.
Passevent : L’on dit bien vray : que de loing païs grosse mensonge. Ilz donnent bien à entendre aux gens du pays, qu’ilz l’ont ordonnée pour cela, mais je t’ay jà dict que tout se faict par le vouloir de Calvin, car ses frères et seurs en sont enrichiz, et aux autres, s’il leur est donné trois gros du païs, qui sont trois carolus de monnoye de France, chacune sepmaine, c’est tout, et si c’est quelque pauvre personnage, combien qu’il soit homme de bien, s’il ne plaist à Calvin, il fault qu’il abandonne le pays, ou bien il sera tenu de Calvin, et de tous ses compaignons comme excommunié et séparé d’eux, et de leur Eglise ».(124)

« Car qui considérera le progré des troubles suscités par cette assemblée libertine, ne verra il pas les cruautés exercées contre le peuple, les ravissements & pilleries, & que plusieurs par crainte de perdre leurs biens se voyant comme brisés & cassés, ont suivi ces dieux étranges, ont fléchi le genou devant Baal. »(125);

et Ronsard encore,


« Et quoy ? brusler maisons, piller et brigander,
Tuer, assassiner, par force commander,
N’obéir plus aux Rois, ammasser des armées,
Appelez-vous cela Eglises reformées ? »(126)

tandis que les « ministres » de Genève se goinfraient et vivaient sur le dos des pauvres :

Genève (1597)

 

«  Tu me demandes une chose que je desirerois sçavoir pour monstrer telz aulmosniers, et en quoy ilz applicquent leurs biens : pour nourrir un tas de canaille, et parens de Calvin, Farel, Viret, et autres favoris, et de leur ligue, et telz envoient par tous costez de Chrestienté leurs espions et semeurs de leurs hérésies, avecques charges de livres tant contre la messe, que contre les sainctz Sacremens, mesmement en Provence, et Normandie, desquelz païs Genève, et tout à l’entour, en est remply, … qui viennent plusieurs fois l’année pour prendre et desrober des églises, et ailleurs, tant par leurs mains , que par autres, et pour porter ce que les pauvres abusez donnent à leur bourse. Et puis celuy qui a mieux d’entre eux faicte la levée, est de Calvin, Viret, et des autres le bien venu, et festoié. »(127)

Pour faire face à la dureté de la vie, le peuple avait besoin d’espoir et de communions – comme il avait eu besoin du purgatoire pour être libéré du risque de la damnation éternelle – et l’église se chargeait de lui en donner par l’intermédiaire de cérémonies traditionnelles prétextes à de grandes communions collectives, par l’intercession des saints qui étaient « spécialisés » par métiers ou confréries et qui les aidaient dans leur vie terrestre, qui plaideraient pour eux plus tard au moment du jugement dernier. Attaquer ces croyances, c’était aussi, quelque part, désespérer le pécheur, détruire les symboles qui y étaient attachés, risquer de faire perdre la bienveillance de ceux qui avaient gagnés une place auprès de Dieu. Il fallait donc choquer le peuple dans ses convictions et traditions profondes en montant en exergue la lutte des réformés contre les traditions, la religion des pères, les manifestations qui entraînaient les foules,

Vadersoltavlan
Un parahélie observé au-dessus de Stockholm en 1535 – copie du tableau original, datée de 1636.

 

 

Ilz font autant de cas des églises, que des autres bastimens, c’est bien assez qu’ilz aient pour le plus deux églises aux villes, et de toutes les autres ilz en font des estables, greniers, boucheries, ou autres choses plus viles. Et les images de bois ont esté mises au feu, et celles de pierres en édifices : et le demeurant ou elles sont égraffinées, ou sans teste. Et les édifices des églises s’en vont petit à petit au bas, et en ruine, car ilz disent que l’Eglise de Dieu sont les fidèles : et pource si les murailles tombent toutes, l’une après l’autre, c’est tout un, pourveu que les Seigneurs tirent les revenuz(128), et que les paillards de leur Eglise soient paiés de leurs pensions. »(129)

Et Dieu ne pouvait pas supporter ces blasphèmes, et comme dans l’Ancien testament, il fallait craindre qu’il n’y mette un terme violent et définitif. La perte du support de Dieu et des saints dans la vie de tous les jours, tout annonçait la fin du monde(130), et on en lisait les signes dans les phénomènes naturels:

« Et afin qu’il ne semble que les advertissements cy dessus soient en vain publiez, il a esté notoirement veu en la France plusieurs signes merueilleux au Ciel de nuées tresobscures en forme de forest, les vnes venant de la partie d’Orient, auec celles de l’Occident significatiues de tresgrande violence. Et combien que le vent vint d’Orient si est-ce que celles d’Occident venoient de plus grande impetuosité, & aux rencontres s’esleuoient en la partie de Septentrion du bas en hault, à plusieurs fois & diuers endroicts des clartez estroictes & longues, donnant tresgrandes splendeur, puis de fois à autre n’apparoissoit aucune lueur, iusques à ce que nouuelles clartez treslongues & peu larges, auec autres obscuritez de pareille longueur & largeur, les vnes d’Orient, les autres d’Occident, de rechef se venoient aheurter, dont de bas en hault s’eslevoient pareilles clartez que celles desquelles auons ia parlé, comme flamme d’artillerie, & girandolles artificielles, montans en forme de fuzées en l’air, puis descendans en pluye dorée, & dont se discernoit aysément la fumée, & encores darder ardeurs & pouldres, en triangle de la partie de Midy, courans & roulans iusques aux extremitez du pays d’Angleterre, qui dura iusques sur le minuict, la veille du iour sainct Michel, avec signes de grande frayeur, & Comettes fort lucides esdictes parties opposites. Ce que ces Signes ainsi diuisez & entrelassez peuuent certainement signifier les diuisions qui se publient en mainctes regions & contrees des religions contraires les vnes autres, & de plusieurs sortes »(131)

Le même Artus Désiré énumère les signes annoncés de la fin du monde :(132)

Gardés (dit-il) que ne soyez seduicts :
Car plusieurs gens de dammable renom
En ce temps la seront si mal induicts,
Qu’ilz corrompront tout mon divin canon »

«  Qu’au derniers iours le peuple mecanique
S’esleuera par un faux contredict
L’un contre l’autre, à l’espée & à picque,
Gent contre gent, malheureuse & rustique,
Lors s’armera de haubert le heaume,
Et le royaume encontre le royaume
S’esleuera en debatz & contens

 

Or puis dix ans quelle peste terrible
A il couru par les villes & bourgs,
N’a on pas veu un danger si horrible
Qu’on delaissoit les citez & faulsbourgs. »

«  Les vivres y sont si treschers & requis,
Qu’à bien grand peine trouuer blé en nul lieu,
Nous denotant par cé grand signe exquis
Qu’en bref aurons le iugement de Dieu. »

Ainsi on pouvait démontrer que ce n’étaient que des personnes de mauvaise vie qui adhéraient à la nouvelle religion, thème que l’on retrouvera aussi dans les mémoires de Claude Hatoncomme dans l’extrait ci-dessous du « Passevent parisien »:

«  Ilz sont la pluspart religieux et religieuses, simoniacles, et prestres, contrevenant à leur profession et vœu, et autres luxurieux, gourmands, ambitieux, avaricieux, et bancquerotiers, faussaires, patricides, et murtriers et gens vicieux, pour plus amplement et libéralement pouvoir accomplir leur concupiscence charnelle, et mauvais vouloir . »(133)

« Leur plaisir est assis à brusler et destruire
Les temples du grand Dieu, et se moquer et rire
Des reliques des saincts, pillées, embrasées ,
Des autels profanez, et Eglises rasées…
C’estoit peu tout cecy, si, vendants leur patrie,
Ils n’avoient declaré leur grand rage et furie
En vendant aux Anglois les ports et forteresses…
Et vous voulez la paix avec un tel voleur,
Et vous voulez l’accord avec l’assassineur ! »(134)

Luther au gros ventre (vers 1620-1630)
Luther s’avance sur le cemin de l’exil en poussant une brouette sur laquelle on reconnaît Calvin, Melanchton et Zwingli. Sur son dos il porte une hotte avec une nouvelle moisson de réformateurs. Bien qu’il soit lourdement chargé, il n’oublie pas sa chope de bière qu’il porte de la main droite. Derrière lui, toujours portant l’habit de la religieuse bénédictine, suit son épouse, Katharina von Bora. Elle porte la bible dans son dos, et sans doute leur dernier enfant dans ses bras.

 

Il fallait aussi trouver des boucs émissaires, comme l’avaient fait les réformés avec la papauté et le clergé, pour personnaliser les attaques, pour démontrer que les troubles avaient été suscités par quelques individus et n’étaient pas une réalité inéluctable, qu’il suffisait de se débarrasser de ces employés du diable pour retrouver la paix et la prospérité(135). Calvin au premier rang, et ce jusqu’après sa mort comme on le verra dans le livre de Bolsec sur « la vie de Calvin » ([196]) en 1582 qui reprend les calomnies qui avaient été publiées dès 1554(136) par Antoine Cathelan dans le « Passevent parisien » ([182]),


«  Et je te respons, que l’on parle bien d’un brigand, ou d’une putain publique, combien qu’ilz sont très bien congneuz et renommez parmy le monde »

Ou quand Antoine Cathelan soutient que Calvin a fait se marier une nonnain qu’il avait engrossée avec un ancien prêtre, et qu’il profita des quinze jours entre l’annonce du mariage et le mariage lui-même pour continuer à l’honorer : «  … Et je te laisse penser comment Calvin repliquoit en grande diligence la leçon à la dame Nonnain, veu qu’il n’avoit que quinze jours de terme, ou environ, pour accomplir sa volupté effrénée. »

Viré est accusé lui de tirer profit du bordel qui serait tenu par la « Belle Marguerite » à Lauzanne : « Et si quelque bon personnage en parle à Viret, le grand paillard de l’église de Lausanne, luy respond qu’elle a laissé son mary comme Papiste et idolâtre, pour venir à l’Evangile de Jésuschrist, qui est venu pour les pauvres pécheurs, et non pas pour les justes. Et je t ‘assure que si Viret n’y sentoit prouffit, bien tost la ville d’elle, et de ses compaignes en seroit nettoiée. »(137)

L’étrange rencontre (vers 1600-1650)
Sur cette gravure un peu tardive, unâne se dirige vers un moulin. Un calviniste, le livre et l’épé à la main, semble vouloir s’adresser à celui qui chevauche l’animal. Celui-ci lui montre l’oreille de l’âne où est tatoué le nom de Calvin, et son arrière train, où, calembourg d’époque, bais ici, se trouve Théodore de Bèze. [320]

 

 

Et ensuite Théodore de Bèze que peu égalaient et qui ne pouvait être attaqué que par l’injure. On rabâchera sans cesse ses vers imprudents de jeunesse qu’il avait réunis dans ses « juvenilia »:

« Luy est estimé de tous les frères Evangéliques sainct, et au pris ou comparaison de la vie des autres, et je te laisse juger leur saincteté, si ce misérable, pour couvrir l’honneur de son amy Bèze et compaignon au butin, qui avoit engrossie sa pauvre chambrière, et Viret la fit enfanter à son logis, et perdre la créature sans baptesme, et quant et quant la renvoya hors de Lausanne, et illec fut mariée, sans plus retourner à la ville, à fin de ne parler du faict, ou de donner occasion d’en parler aux gens. »(138)

« Et Calvin fit le mariage jà de long temps consommé entre Bèze adultère, et Candide putain publique, qui maintenant se faict appeler Dame Claude, bien puante émusquée, qui se vante que si son amy d’Oscula estoit en la Papisterie, il seroit Evesque, et elle tousjours Putain. »(139)

« Mais montrez-moy quelqu’un qui ait changé de vie,
Après avoir suivy vostre belle folie !
J’en voy qui ont changé de couleur et de teint,
Hideux en barbe longue et en visage feint,
Qui sont plus que devant tristes, mornes et palles,
Comme Oreste agité de fureurs infernales.
Mais je n’en ay point veu qui soient d’audacieux
Plus humbles devenus, plus doux ny gracieux,
De paillards continens, de menteurs veritables,
D’effrontez vergongneux, de cruels charitables,
De larrons aumosniers, et pas un n’a changé
Le vice dont il fut auparavant chargé. »(140)

 

Si les cibles huguenotes peuvent paraître évidentes, les modérés, et en particulier le chancelier de l’Hospital, devaient faire l’objet d’attaques personnelles vives ; Etienne Jodelle écrivit une pièce en vers contre lui après la « surprise de Meaux » en 1567 dans laquelle il appelle au meurtre :

« Sa vertu est d’estre un Prothée,
Sa neutralité d’estre Athée,
Sa paix deus lignes maintenir :
Changer les loix, c’est sa prattique,
Sa court, les pedantz soustenir,
Et son sçavoir d’estre heretique. 
….
Mais Dieu nous sçaura bien venger
Un jour de ce monstre estranger,
Et puis qu’il tarde sa justice,
C’est qu’il luy prepare un supplice
Eternel, qui ne fera pas
Finir sa pene à son trespas.

 


Si le vice et l’insuffisance
Il portait donc soubz l’apparence,
A-t-on en France tant esté
A desvelopper ses denrées,
Et l’a-t-on souffert tant d’années
Humer l’air qu’il ha infecté ?
Non, non : qu’il meure où il pourra ;
Toujours son nom l’on damnera(141),
Et son umbre à jamais sera
Le phantosme et l’espouvental
Du chestien qui se croisera
Tousjours à ce mot d’Hospital. »(142)

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces écrits injurieux, où la bêtise se dispute la première place avec le cynisme, donnaient aussi la possibilité de lancer des attaques plus personnelles ou sur d’autres sujets que la Réforme. Artus Désiré s’en était fait un habitué en mettant sur la place publique son mépris des femmes, et sa frustration de ne pas appartenir aux cercles récompensés par le pouvoir :

« Plorez mes Dames de la Court
Vostre grand’superfluité,
En ce malheureux temps qui court
Plorez vostre mondanité,
De vos souffletz de vanité
Vous auez allumé ce feu
Pour donner à voz plaisirs lieu,
Et prins par vne ambition
L’habit de l’homme, ce que Dieu
Ha en abomination 
»

 

et sans doute de pas pouvoir laisser libre court à ses pulsions sexuelles ; on ne compte plus en effet les attaques contre la paillardise supposée des calvinistes dans ses ouvrages, et dans la conclusion de son ouvrage « Les disputes de Guillou le Porcher… »(143), il laisse transparaitre le fond de sa pensée quand il énumère les « désolations apportées par la Réforme » :

« premièrement, diminution de la culture & honneur de Dieu,
La ruyne de la chasteté sacerdotalle,
Abolition de l’obedience des Religieux,
Le mariage ou prostitution des Sanctimoniales
 »

Malgré le soutien apporté par l’Eglise et la noblesse catholique à ces écrits polémiques, certains néanmoins voulaient rentrer dans la controverse dans un but de convaincre, avec l’espoir d’une critique productive, mais souvent avec un talent bien moindre que celui des docteurs de Genève. Nicolas Durand de Villegaignon, celui de la France Antarctique que nous avons croisé au chapitre 2, fut un de ceux-là à son retour du Brésil. Mais ses velléités d’en découdre avec Calvin lui même furent sans suite, et personne ne répondit à sa proposition de venir débattre du sujet de l’Eucharistie dans l’église de Saint-Jean-de-Latran(144), paroisse des chevaliers de Malte à Paris :

« Il m’a semblé qu’à peu de frais, cette œuvre se pourra achever, s’il veut amener avec lui deux hommes de sa secte, et moi deux de ma religion, et que nous en ayons deux de l’église germanique, auxquels soit toute la puissance de juger de notre différent, et pour le nombre impair, soit adjoint le magistrat ou le prince qui nous donnera le lieu et saufconduit : sur cette offre et sommations j’attends votre réponse à Paris à Saint-Jean-de-Latran, l’espace de quarante jours. Ecrit le de treizième juillet 1560. »(145)

C’est d’ailleurs l’Eucharistie qui semble avoir accaparé toutes les velléités de controverse de Villegagnon, c’est le sujet principal de son ouvrage déjà cité ([190]), ainsi que celui des quelques trois cents pages de ses « Propositions contentieuses.. » ([189]) ; la question de savoir si pendant la Cène l’hostie et le vin se transformaient réellement en le corps et le sang du Christ, ou symboliquement, sera le grand sujet : « «En outre, il est tout certain que les dernières et solennelles  Pâques, devaient être celles, que les Pâques Mosaïques avaient figuré, à savoir que notre Seigneur devait être offert, mangé et mis à mort, pour notre passage du royaume du diable, à celui de Dieu éternel, ainsi que l’agneau mosaïque était offert, immolé et mangé pour le passage d’Egypte en la terre promise, avant d’y arriver »(146). L’argumentation, au-delà des appels aux Saints et aux pères de l’église qui ont interprétés de manière définitive le texte, se réfère aussi à la nature, et à une analyse grammaticale très précise des textes issus de traductions que l’on ne peut assurer de parfaites : « Avant que de répondre à cette objection, je dirai une chose en quoi pèchent les Calvins : Ils nous dussent prouver que leur doctrine soit vraie, bonne et salutaire, pour nous y attirer, avant que d’impugner la notre : car si la leur n’est bonne que par la ruine de la notre, elle sera religion de ruine, non d’édification »(147), et « Cependant oyons les paroles de Dieu lors de la Cène, vérité de la Mosaïque : Et ayant pris le breuvage, après l’avoir bénit, leur donna disant, buvez-en tous, il est mon sang du nouveau testament, lequel est répandu pour la rémission des péchés. Il n’y a selon les paroles aucune différence entre ce qui est répandu pour la rémission des péchés, et entre ce qui est fut béni, et donné à boire : car le relatif, qui s’y rapporte, et non à autre nécessairement, selon la règle, et raison de notre langue : si donc le breuvage est figure, il faut que le répandu pour la rémission, soit aussi figure : au contraire, si le répandu est la vérité du sang, aussi sera le breuvage. »(148),

« Tu as dit nettement d’un parler net et franc,
Prenant le pain et le vin : « C’est cy mon corps et sang,
Non signe de mon corps. » Toutefois ces ministres,
Ces nouveaux defroquez, apostats et belistres,
Desmentent ton parler, disant que tu révois,
Et que tu n’entendois cela que tu disois.

Si tu es tout divin, tout sainct, tout glorieux,
Tu peux communiquer ton corps en divers lieux.
Tu serois impuissant si tu n’avois puissance
D’accomplir tout cela que ta majesté pense. »(149)

Il est aussi notable que l’un des arguments utilisés pour démontrer l’erreur dans laquelle se complaisaient les réformés était qu’il y avait plusieurs courants de pensée qui se développaient à la même époque, et qui, plus ou moins, cohabitaient ; cette pluralité d’opinions était inacceptable pour les catholiques, et preuve de l’œuvre du diable :
« Pour mettre fin à mon dire pour le présent avec toy : qu’ilz ont régné quelque temps, je n’appelle pas régné, un qui est toujours en guerre en soymesmes, comme sont telle canaille, les uns Anabaptistes, les autres Suinglistes, les autres Luthériens, les autres mélanthonistes, les autres Calvinistes et les autres Zébédéistes : les autres Libertins, et la plupart de tous Athéistes et sans Dieu, comme se voit au vivre commun du monde, que depuis que telle brigandaille s’est levée, les espritz se sont addonnez à faire faulses monnoies, rongner icelles, faire sacrilèges, et affrontements…».(150)

 

« Les Apostres jadis preschoient tous d’un accord ;
Entrevous aujourd’huy ne regne que discord ;
Les uns sont Zvingliens, les autres Lutheristes,
Les autres Puritains, Quintins, Anabaptistes,
Les autres de Calvin vont adorant les pas,
L’un est presdestiné, et l’autre ne l’est pas,
Et l’autre enrage après l’erreur Muncerienne,
Et bien tost s’ouvrira l’escole bezienne.

 


Vous devriez pour le moins avant que nous troubler,
Estre ensemble d’accord sans vous desassembler,
Car Christ n’est pas un Dieu de noise ny discorde,
Christ n’est que charité, qu’amour et que concorde,
Et montrez clairement par la division
Que Dieu n’est point autheur de vostre opinion. »(151)

Cette défense de l’orthodoxie catholique, si elle doit entre érudits utiliser le texte et les interprétations qui en ont été faites par tous les sages, saints et docteurs, doit utiliser quand elle s’adresse au peuple des raisonnements plus simples, et, alors comme aujourd’hui, le recours au bon sens, plutôt à l’aspect « naturel » des choses est l’arme utilisée pour démontrer la fausseté des idées de l’autre. Artus Désiré l’utilise jusque dans le titre de son ouvrage « La singerie …de raison naturelle » déjà cité plus haut. Mais c’est une constante dans son œuvre. Sur la vénération des reliques par exemple, dans « Le defensaire de la foy chrestienne, avec le miroer des francs taupins autrement nommez Luthériens » ([183]) :

« Que si c’estoit abusion & faincte,
De venerer le corps d’vn sainct ou saincte,
Dieu n’auroit point si long temps enduré,
Que le deffault eust iusq’icy duré.
Car certain est qu’a noz defunctz parens,
Eust demonstré par signes apparens,
Que l’on eust faict contre sa volonté :
Donc croire fault pour seure verité,
Qu’il à voulu & veult que les Chrestiens
Portent honneur, & reverence aux siens.
 »

Un raisonnement du même registre est appliqué pour démontrer que l’église catholique est « naturelle » car elle compte beaucoup plus de vieilles et belles « pierres » que la « dérision huguenote » :

« Au reste, nous requerons qu’ayez à monstrer les vestiges & remarques des Temples & Eglises que voz predecesseurs heretiques vous ont ediffiees & basties, & les lieux et places où ils ont exercé vostre damnee derrision, ce que ne sçauriez en iour de vostre vie, qui est vn argument inuincible contre vous, au contraire de nous, qui auons vne infinité de grans liuvres de pierre, c’est à dire de belles Eglises, que voz peres & les nostres, nous ont imprimez et basties, par toute l’vniuerselle chrestienté, & chose trop plus que suffisante pour vous condamner & damner, par sentence & arrest de ladicte raisson naturelle d’en voir tant de Cathedrales, Collegialles, Abbatialles, Parrochialles, et tant de beaux Monanasteres & Conuens, que vous ne sçauriez que dire ne respondre à cela … autrement faudroit dire, que nostre Seigneur auroit esté immisericordieux à son peuple, & le sainct Esprit endormy en son Eglise iusques à ce ioud’huy… »(152).

L'appel à la guerre

«  On a raison de dire qu’ils ont toujours remis à plus tard d’appliquer effectivement les dispositions et les ordonnances relatives à la conversion et au salut de ces populations, tout en feignant en paroles, en prétendant ou en dissimulant autre chose. Ils ont imaginé, ordonné (et cela a été fait) de sommer les Indiens d’adopter la foi et de rendre obéissance aux rois de Castille. Faute de quoi ils leur feraient la guerre à feu et à sang, ils les tueraient, les mettraient en captivité, etc … Ils ont exigé que les Indiens adoptent notre foi sans prédication ni doctrine, qu’ils se soumettent à un roi qu’ils n’ont jamais vu ni entendu et dont les sujets et les envoyés sont des tyrans si cruels, si impitoyables et si horribles.»


Bartholomé de Las Casas, 1552 ([198] page 70)

 

Ne soyons pas surpris de ces raisonnements de cours d’école primaire, et ne faisons pas non plus l’erreur de considérer le pauvre Artus Désiré comme dénué de toute intelligence ; il fallait imprimer ces livres, et le coût en était élevé, il fallait donc qu’ils connussent le succès dans la population qui pouvait les acheter. Il faut y voir sans doute la volonté réelle d’appauvrir le discours, de revenir à des notions simples auxquelles on peut adhérer sans effort. On retrouve ce procédé dans les discours discriminants, chaque fois qu’il a fallu trouver des porte-paroles pour attiser la haine de l’autre.

Mais les appels à la guerre, aux exécutions sauvages, aux bûchers, tout cela pouvait choquer, voire faire s’interroger une partie des lettrés ; n’oublions pas que c’est en 1552 que Bartlomé de Las Casas publie son réquisitoire contre les exactions espagnoles en Amérique. Il fallait donner une légitimité à ces actes, elle sera recherchée dans l’écriture elle-même,

« … Dieu premièrement use de grâce envers les malins, & sitôt ne permet que la vengeance en soit faite, jusqu’à ce que la pourriture & dureté de leur cœur soit connue à tous : & lors a ce qu’il sauve le reste, il exécute un témoignage de sa grande & inévitable justice. …D’autant qu’en cette dernière fureur ce ne lui est assez que les suppôts de cette secte soient exterminés, mais il veut que toute la mémoire, toute l’impiété qu’ils auront bâtie & dressée soit mise au feu : condamnée à la peine éternelle. »(153)

« Dieu tout grand et tout bon, qui habite les nues,
Et qui cognois l’autheur des guerres advenues…
Donne que de son sang il enyvre la terre,
Et que ses compagnons au milieu de la guerre
Renversez à ses pieds, haletans et ardens,
Mordent dessur le champ la poudre entre leurs dens,
Estendus l’un sur l’autre : et que la multitude …
De fleurs bien couronnée, à haute voix, Seigneur,
Tout à l’entour des morts celebre ton honneur »(154)

ainsi que dans la nécessaire et juste vengeance :

« … ne qu’ilz convertissent le monde par placquaurs, tant de jour que de nuict, et par tous autres moiens illicites, tant contre Dieu, que contre son Eglise, et contre toute l’obéissance des seigneurs : ne se souciant que d’estre les plus forts par quelque moien que se soit. »(155)
«  … Ils se sont garnis d’armes, ligués par ensemble, mis en campagne : & ainsi ayant allumé les gros os, les principaux chefs de leurs trouppes, ont échauffé leur marmitte pour commander par force, puis que la raison & vérité ne les pouvaient deffendre. »(156)

«  Toute leur gloire était de coupper les oreilles des prêtres, de sorte que plusieurs en faisait des carquants à leur col, comme pensant recevoir une grande gloire de telles inhumanités. Ils leur couppaient la nature, la faisaient rôtir, & l’apprêtaient en viande au pauvre homme tirant à la fin, & avec baillons lui mettaient en la bouche. En d’autres lieux ils enfouissaient tous vifs les catholiques, tranchaient les enfants en deux, fendaient le ventre aux prêtres & en tiraient le cœur hors et le brûlaient…. »(157)

 

Dans cette dernière citation on retrouve, attribués aux huguenots, ce que les témoignages rapportent des pratiques catholiques : expiation refoulée, ou tentative de conditionnement des foules pour qu’elles se vengent de la même manière ?

Etienne Jodelle

 

Cette violence atteignit son apogée lors des événements de la saint Barthélemy. On retrouvera Etienne Jodelle auteur de trois sonnets diffamatoires sur Gaspard de Coligny placardés en divers lieux de Paris à la fin août sous le titre de l’ «Advertissement du peuple de Paris, Aux passants » :

« Vouloir piper un Roy par ruze et par cautelle,
Braver sa Majesté, luy ravir doucement
Le sceptre de la main, partager finement
L’heritage sacré de sa couronne belle ;

Tousjours entretenir les Princes en querelle,
Parler des maux passez, et de Dieu sobrement,
Chasser l’homme de bien, recevoir cherement
L’imposture et l’erreur d’une troupe rebelle ;

Oisif ne faire rien, et sembler faire tout.
Entreprandre sans fin, ne mettre rien à bout,
Et, sous un œil benin, s’animer de vengeance ;

D’un visage fardé courtizer l’ennemy,
Abuzer ettrahir couvertement l’amy,
C’estoit d’un Amiral la fiere outre-cuidance ».

Le deuxième sonnet énumère une série de griefs analogues contre le parti protestant,

« Tenter par tous moyens de surprendre son Roy,
Pour le rendre captif, et de flammes civiles
Saccager et brusler les chasteaux et les villes,
Suborner l’estranger et l’ammener à soy,

Detester le papat, la justice et la loi,
Dessous un masque fin tromper les plus habiles,
Faire un monde nouveau et de ruses gentilles
Caresser le parjure et plus manque de foi ;

 

Ouvrir à l’ennemi les ports et les passaiges,
Tourner tout à risée, et de mains sacrilèges
Souiller d’impiété les sépulchres des morts,

Contrefaire le froid et brusler dedans l’âme
Du feu d’ambition, c’estoit la fine trame
Qu’ourdissoyent à la cour les frères plus accords. »

et le troisième conclut sur la nécessité de la vengeance :


« Mais Dieu qui tient en main la force et la grandeur
De Charles, ce grand Roy, et qui fait qu’il prospere
Sous les sages avis de la Roïne sa Mere,
Roïne qui fait renaistre en France le bonheur,

En fin leur a monstré ce que peut la fureur
De son bras rougissant de foudre et de colere,
Saccagant, murdrissant d’une entreprise fiere
Ce monstre qui tenoit tout le monde en erreur.

Ennemis de repos, de Dieu et de noz Princes,
Ennemis conjurez du peuple et des Provinces,
Immortels ennemis de l’honneur des tombeaux,

Et sans tombeaux aussi, vos charongnes puantes
Roulent dessus les eaux, et ne servent, errantes,
Que d’amorce aux poissons et de gorge aux corbeaux. »(158)

Et aussi Antoine de Baïf qui entonne un chant de victoire, et loue Catherine de Médicis pour le succès de la journée :

Antoine du Baïf

« Dieu s’est levé comme un tonnerre :
Ses ennemis, gettez par terre
Sont la plus-part mors etandus.
Ceux qui restent d’eux, sans conduite,
Vaguent en miserable fuite,
De honte et de peur éperdus.
C’est à Dieu, c’est à Dieu la gloire
De tant memorable victoire. 

« Mais après Dieu, Roine tres sage,
Haut louer faut vostre courage,
Quand animastes vos enfans
D’aprouver si juste vengeance,
Qui, des ennemis de la France,
Les rendit a coup triomphans»(159)

 

Dans un registre un peu différent et plus populaire, on pourra citer le "Coq à l’asne des Huguenotz tuez & massacrez à Paris le xxiiij jour d’Aoust 1572" qui dans un genre littéraire en vogue à l'époque présente de manière coquasse la grande journée de revanche des catholqiues parisiens.

A côté de cette production des faucons catholiques, certains, comme Ronsard au tout début des troubles, ou Jacques Béreau, essayaient de prècher la modération :

« En preschant l’Evangile il faut s’évertuer
D’attirer les errans, et non piller, tuer :
Par sermons beaux et saincts, par douceur et humblesse,
Par pureté de vie il fault qu’on les adresse
Au vray sentier de Christ, de Christ par qui repris
Le bon sainct Pierre fut, quand colere il eut pris
Et mis hors du fourreau le couteau pour deffendre
Son maistre des Juifs assemblez pour le prendre»(160)

Anne des Marquets

 

Ou Anne des Marquets, en 1562 aussi, qui, certes en des termes plus mesurés que ceux choisis par Artus Désiré, invoque l’aide de Dieu pour que les fidèles catholiques soient débarrassés des hérétiques :

 

« Ceux-ci ayants l’esprit de contradiction,
Nient la vérité, sont sans Dieu & sans loy,
Leur cueur est plein de vices & d’imperfections,
Et si sont, qui pis est, reprouvez en la foy,
Vrai est qu’en peu de temps leur credit cessera :
Car leur folie à tous manifesté sera. »(161)

 

Les plumes des catholiques

Qui furent les plumes des catholiques ? Dans la période 1550-1580, quelques noms tiennent le haut du pavé, Pierre Doré, Claude de Sainctes, Antoine Cathelan, Artus Désiré, le jurisconsulte François Baudouin, le chevalier de Villegagnon, Ronsard et pour finir Hierosme Hermes Bolsec.

Pierre Doré(162), docteur de la Sorbonne, scrupuleux censeur, défendit dès les années 1540 la cause catholique en publiant des ouvrages de dévotion, « Allumettes du feu divin pour faire ardre les cœurs humains en l’amour et crainte de Dieu (1538) », « Les neuf médicamens de chrétien malade » et la « Tourterelle de vividité (1574) » dans lesquels il sacrifiait à l’usage de la langue française, s’en justifiant dans la préface d’un autre de ses livres, « L’arche de l’alliance nouvelle, et testament de nostre Saulveur Jesus Christ, contenant la manne de son précieux corps, contre tous sacramentaires heretiques » paru chez J. ruelle, à Paris en 1549 : « Si quelqu’un survient qui propose mon zèle n’estre selon science, par ce que les hautz et arduz misteres d’icelle foy, ne convient en langue vulgaire traicter. Je luy respondz avec sainct Paul : si je suis faict incipient, à ce qu’on m’a contrainct, pour obvier aux assaulx continuelz des heretiques, qui publient livres en françois pernicieux … Hélas, nous voyons en ce temps calamiteux, heresiarques interdictz baillez le poison d’infecte doctrine en nostre langue françoise, et ne sera il loysible donner le contrepoison en semblable langue, et de telles armeures nous défende, qu’ilz nous viennent assaillir ? »(163). Il s’attaquera aussi à Calvin dans « L’anti Calvin », mais cette fois en latin, redoutant sans doute de partager avec le peuple sa controverse.

Cela a été aussi le cas de Claude de Sainctes qui, quand il publie sa « Déclaration d’aucuns athéismes de Calvin et de Bèze » en 1563, fait part de ses scrupules dans sa dédicace au roi Charles IX : « Sire, je crains qu’on ne trouve mauvais que j’aie recherché la doctrine des Calvinistes jusques aux premières pierres fondamentales du christianisme, et que je l’aie mise en français et proposée au peuple, qui pour la plupart n’est capable de telles difficultés . » Pour lui Calvin et Théodore de Bèze sont de francs athées qui ne méritent que la corde et le bûcher tel qu’il l’expose dans un petit manuel historique et raisonné de l’intolérance : « Méthode contre les sectes (Methodus contra sectas) ». Proche du cardinal de Lorraine, il participe pour celui-ci au colloque de Poissy. Mêlé à l’extrémisme de la ligue, apologiste de Jacques Clément, il finit ses jours en prison, victime des haines qu’il avait déchaînées.

Antoine Cathelan se fit surtout remarquer par sa réponse au « Passavant » de Théodore de Bèze : «  Le Passevent Parisien …» dans lequel, tirant parti effectivement d’un séjour qu’il fit à Genève, entreprit d’en faire un récit qui ne sera in fine qu’un absurde pamphlet. Ce livre de calomnies a été écrit pour que, quelles que soient les invraisemblances, il en reste toujours quelque chose, et c’est dans ce filon que Bolsec et bien d’autres viendront puiser leurs « faits ».

Artus Désiré, « l’affamé » dans le Passavant de Théodore de Bèze, se distingue des auteurs précédents par une production pléthorique et par l’insondable vulgarité de ses textes. La violence de ses injures s’allie avec ses appels à la guerre et aux massacres. Même les catholiques de l’époque, s’ils devaient apprécier cette œuvre de propagande,  n’osèrent pas le soutenir publiquement, et il mourut sans avoir reçu la moindre récompense pour ses excès. Les titres de ses ouvrages donnent une idée (au-delà des citations ci-dessus) de son style : « La singerie des Huguenots, marmots et guenons de la nouvelle derrision Theobeszienne, contenant leur arrêt et sentence par jugement de raison naturelle », «  Le contrepoison des cinquante deux chansons de clément Marot, faussement intitulées par lui Psaumes de David, faits et composés de plusieurs bonnes doctrines et sentences préservatrices d’hérésie ».

Dans son « Histoire ecclésiastique des églises réformées » ([107]), Théodore de Bèze rappelle un épisode de 1561 qui faillit coûter la vie à Artus Désiré. Il aurait été envoyé solliciter le roi d’Espagne pour qu’il intervienne en France pour combattre la paix qui semblait devoir s’établir lors de l’avènement de Charles IX.  Dénoncé par un peintre de la reine mère, nommé Nicolas, il fut arrêté à Orléans porteur d’un message pour le roi d’Espagne : « … Et pouce que nous voyons ledit royaume en peril, & danger d’estre du tout subuerti & perdu, & encores, ce qui est beaucoup à craindre, que nostre ieune roy trescrhestien sous bas aage, n’en soit au temps aduenir instruit & contaminé, nous sommes venus vous aduertir & informer de toutes ces chosses, comme le plus prochain du sang, & auquel en appartient la cognoissance & reformation, & non à autre, tant pour la charité de Dieu, que pour la royale consanguinité fraternelle de vostre trescher & bien aimee conpagne & espouse, pour ausquelles cho$es obuier & remedier, supplions derechef tre$humblement vostre tressacree maiesté en la vertu de Dieu & amour de Chrestienté, prester la main à son Eglise gallicane, & aduertir si bien les magistrats & gouuerneurs dudit royaume de France, que vos admonitions, remonstrances & advertissements leur servent d’vne verge de correction crainte … ». Risquant la mort, il écrivit une lettre au roi et une à la reine mère leur demandant la grâce de le condamner aux galères ou à la prison perpétuelle plutôt que d’être « enuoyer deuant le iugement de Dieu », grâce qui lui sera accordée… Il faut remarquer que dans sa thèse sur « La poésie Française et les guerres de religion » ([61]), F. Charbonnier voit dans Artus Désiré un « auteur honnête et lucide ». Jehan de La Fosse écrit dans son journal ([325] page 43) qu’ « Artus Désiré fist amende honorable, tout nud, la torche au poing, dedans le palais, en ung jeudy, 14è du mois, et fut condamné à rester dedans les Chartreux 5 ans au pain et à l’eau, il y fut 4 moys, les ungs disent qu’il s’en fut, les aultres que les Chartreux le firent sortir, craignant les huguenots. Depuis il ne se cacha pas et se promenoit à Paris. ».

François Baudouin, ancien condisciple de Calvin au collège d’Orléans, est sans doute celui dont on n’a retenu le moins de publications. Ce fut en effet un modéré, qui avait quelques temps hésité entre la Réforme et l’église de Rome, et qui rêvait d’une conciliation qui aurait rassemblé les chrétiens. Mais ses écrits ont déchaîné l’ire de Calvin pour qui le temps n’était pas au compromis, et le combat entre Ablativus(164) et Accusativus dégénérera en une polémique épistolaire dont François Baudouin se sortit néanmoins avec honneur.

 

Le chevalier Nicolas Durand de Villegagnon, héros malheureux de la France Antarctique ou il avait réussi à ruiner l’entreprise qui lui avait été confiée par l’amiral Gaspard de Coligny en y emportant la controverse sur l’Eucharistie, est un personnage qui détonne au milieu des lettrés. Aventurier, il se piquait aussi de théologie, et voulait convaincre Calvin de rester avec lui dans l’arène pour vider leur querelle sur la signification de la Cène. Calvin l’ignora, et laissa ses aides ferrailler avec lui. Villegagnon publia plusieurs ouvrages dans lesquels il semble n’avoir voulu toucher que de l’Eucharistie, comme une idée fixe ramenée des côtes du Brésil. Il ne fut guère considéré de ses contemporains qui relevèrent son ignorance et son outrecuidance.

Enfin Bolsec, que nous n’avons pas développé ici car il a écrit près de vingt ans plus tard, médecin et théologien, ou ni l’un ni l’autre, commet l’antithèse du livre de Théodore de Bèze sur la vie de Calvin, ouvrage qu’il intitule «Histoire de la vie, mœurs, actes, doctrine, et mort de Jean Calvin, jadis grand ministre de Genève» ([196]) dans lequel il accumule calomnies et mensonges, reprenant tout ce qui avait été colporté sur le ministre de Genève. Œuvre d’un sectaire agressif, ce livre finit cette liste de publications guerrières ; on trouvera ci-après le début de sa conclusion « Calvinodie ou hymne sur le tombeau de JeanCalvin, jadis grand ministre de Genève » :

« Frère, ou penserois tu que la charongne morte
De l’imposteur Calvin peust en aucune sorte
Etre mise, si bien qu’elle fut desormais
Jouissante à souhait de repos & paix ?
Certes il est bien temps que ce vieil corps permette
Que demeure en repos ce fidelle Prophete :
Car tandis qu’icy bas ce mutin a vescu,
Il n’a jamais esté paisiblement repeu
Qu’il n’eust toujours le cœur rongé de convoitise,
Et que son corps ne fut point époint de paillardise,
Sa langue de mensonge & ses doits de Larcin.
… »

 

Commentaires

 

La littérature de la réforme est une littérature de révolte, de révolte religieuse mais aussi de révolte sociale. Savoir si l’aspect social a été à l’origine du mouvement, ou bien une conséquence, ou bien seulement un moyen, est une question qui mériterait d’être traitée plus avant, mais, quelle que soit la source, la révolte religieuse renverse les valeurs qui font l’ordre social et s’appuie sur le collectif, menace les grands qui veulent, ou qui sont le symbole, du statu quo. Littérature militante, elle veut convaincre, elle veut séduire.
La réponse catholique est d’abord caractéristique du parti en danger. Elle est d’abord dans une position de déni, puis de condamnation et de haine. Voulant conserver les acquis, elle s’appuiera sur l’individu, sur le seigneur, pour maintenir, renforcer ses soutiens.

 

 

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Notes
(1) Jacques Davy du Perron, né à Saint-Lô le 25 novembre 1556 et mort à Bagnolet le 5 septembre 1618, est un prélat, diplomate et poète baroque français. Il n’était pas encore cardinal lors de la mort de Ronsard en 1585, mais fut nommé par Clément VII à ce titre en 1604 pour avoir vaincu lors d’une conférence Philippe Duplessis-Mornay sur une contreverse opposant catholiques et protestants.
(2) Cité dans [61] page 38
(3) Citée dans [181] page 152 et attribuée à Saint Cyprien, ou Cyprien de Carthage ; docteur de l’église, né vers 200 et décédé le 14 septembre 258.
(4) référence [204]
(5)

Voir sur ce sujet le livre de Stefan Zweig « Conscience contre violence » [42]

(6) Dans lequel il écrivit en particulier : « Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine, ils tuaient un être humain : on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme mais en se faisant brûler pour elle. »
(7) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 375
(8) « Le requiescant in pace… », Pierre Viret, 1552, [200] page 57
(9) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 192 – le “mulo-président” est ici Pierre Lizet.
(10) « Le requiescant in pace… », Pierre Viret, 1552, [200] page 148&149
(11) Eustorg [Hector] de Beaulieu, né vers 1495 et mort le 8 janvier 1552, est un poète, compositeur et pasteur français actif notamment à Lyon, à Lausanne et à Bâle dans la première moitié du xvie siècle.
(12) Les réformés « détournèrent » nombre de chansons populaires pour soit les utiliser en en détournant le sens, soit pour simplement utiliser des airs populaires pour mieux diffuser leur propagande.
(13) [193] page 35
(14) Ignominieux
(15) [197] pages 129 à 132
(16) « Le requiescant in pace… », Pierre Viret, 1552, [200] page 76
(17) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 107
(18) « Le requiescant in pace… », Pierre Viret, 1552, [200] page 149
(19) « Réjouissons-nous »
(20) « Prière »
(21) Fête qui suit celle de la Toussaint, elle est célébrée le 2 novembre. Odilon, abbé de Cluny, l’aurait « crée » après avoir entendu que sortaient de l’Etna les hurlements des démons et les vies plaintives d’âmes défuntes qui demandaient à être arrachées de leurs mains par des aumônes et des prières.
(22) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 114
(23) Artus Désiré, dans le « deffenssaire de la foi…. » ([183]) s’attache à justifier une longue liste de celles-ci.
(24) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 148 
(25) [193] pages 100 à 103
(26) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 317
(27) « Le requiescant in pace… », Pierre Viret, 1552, [200] page 70
(28) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] pages 23&24
(29) « La comédie du pape malade… », Conrad Badius, 1561, [178] page 33
(30) Anonyme, 1556, [210] page 310
(31) [193] pages 169 à 173
(32) [193] pages 176 à 179
(33) « Confession de la foy Chrétienne… », Théodore de Bèze, 1563, [203] pages 345-346
(34) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] page 58 et page 27
(35) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 168
(36) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] page 112
(37) « Le monde à l’empire… », Pierre Viret, 1561, [201] page 34
(38) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] pages 72&73
(39) La donation de Constantin est l'acte, qui se révéla être un faux, mais entérinant a posteriori une possession déjà ancienne et légitime, par lequel l'empereur Constantin Ier donnait au pape Sylvestre la primauté sur les Églises d'Orient et l’imperium sur l'Occident (et les églises Latran, de Saint-Pierre et Saint-Paul-hors-les-Murs »). La démonstration de son caractère apocryphe en 1440 par l'humaniste Lorenzo Valla est généralement considérée comme l'acte fondateur de la critique textuelle (herméneutique).
(40) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 78
(41) Il faut noter dans les premiers exemples qui suivent le parti pris d’opposer le peuple à l’église, le peuple qui souffre et est exploité pour le bénéfice des membres de celle-ci.
(42) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 42
(43) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 48
(44) « La comédie du pape malade… », Conrad Badius, 1561, [178] page 31
(45) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] page 72
(46) Voir autre couplet plus haut
(47) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] page 113
(48) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 54
(49) [193], page 142, d’une chanson écrite avant 1555
(50) Voir le catalogue de l’exposition « Enfer ou Paradis », [320]
(51) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 168
(52) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] page 131
(53) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 125
(54) « Le monde à l’empire… », Pierre Viret, 1561, [201] page 308
(55) Parler dans sa barbe, bredouiller, marmonner, parler de manière confuse.
(56) Dans la religion catholique, petite chemise faite d’un tissu de poils de chèvre, de crin, ou de tout autre poil rude et piquant, qu’on porte sur la chair par mortification.
(57) « Confession de la foy Chrétienne… », Théodore de Bèze, 1563, [203] pages 298 et 244
(58) Pierre Lizet, ami de Béda, était un farouche ennemi des protestants, et se distingua par les persécutions qu’il suscita lorsque qu’il a été président de Parlement de Paris. Imprudent néanmoins avec les Guise en leur contestant le titre de prince, il encouru la vindicte du cardinal de Lorraine et dû donner sa démission en échange de l’abbaye de Sainte-Geneviève. Ne pouvant se servir du bucher, il entreprit d’essayer de réfuter la réforme, et écrivit deux gros volumes de controverses qui furent accueillis dans un éclat de rire par la communauté protestante. ([188] pages 185-186).
(59) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 206
(60) Pierre Lizet était auvergnat
(61) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] page 112
(62) « Les disputations Chrétiennes...  », Pierre Viret, 1552, [199] page 100
(63) « Le requiescant in pace… », Pierre Viret, 1552, [200] page 44
(64) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] pages 105&106
(65) « Le monde à l’empire… », Pierre Viret, 1561, [201] page 226
(66) [193] pages 75 à 77
(67) « Le monde à l’empire… », Pierre Viret, 1561, [201] page 266
(68) « Confession de la foy Chrétienne… », Théodore de Bèze, 1563, [203] page 311
(69) [195]
(70) Auvergnat d’où « montigène »
(71) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] pages 34&36
(72) « Le Passavant… », Théodore de Bèze, 1553, [181] pages 12&13
(73) « La comédie du pape malade… », Conrad Badius, 1561, [178] 
(74) Antoine de Mouchy (Antonius Monchiacenus Démocharès) (1494 - le 8 mai 1574) était un théologien et français canoniste , à Paris. Comme inquisiteur fidei il a exercé son influence contre les calvinistes , et a été juge au procès hérésie de Anne du Bourg . Dans un livre 1560, il a accusé les calvinistes de libertinage sexuel, pratiqué après la fin du service religieux.
(75) « La comédie du pape malade… », Conrad Badius, 1561, [178] page 35
(76) « La comédie du pape malade… », Conrad Badius, 1561, [178] page 60
(77) « Satyres Chrestiennes de la cuisine papale », Théodore de Bèze, 1560, [179] pages 45&46
(78) Cité dans [188] pages 182-183
(79) [197] page 20, un poème daté de 1559-1562
(80) L’anagramme était alors un jeu très prisé – et complexe – dans les milieux savants du XVIe siècle.
(81) [197] page 33, 1550-1560
(82) [193] pages 117 à 124
(83) [197] page 53, 1561
(84) [194] page 104
(85) [209], introduction
(86) [197], pages 85-90 et [193]
(87) [193] pages 257 à 259
(88) à lire de haut en bas pour les trois registres
(89) [193] pages 253 à 256
(90) [193] pages 236 à 244
(91) [193], pages 250-253, datée de 1563
(92) 1563, [197] page 143
(93) [197] pages 63-70, 1562
(94) [193] pages 392 à 397
(95) vers 1550, [193] page 359
(96) Surnom attribué à Nicolas Barnaud
(97) [193] pages 413&414 
(98) « Les quinze signes … », Artus Désiré, 1587, [185] page 6
(99) [188] page 158
(100) Singe à longue queue
(101) « La singerie des huguenots … », Artus Désiré, 1574, [186]
(102) Cité dans [61] page 397
(103) Terme utilisé pour désigner les « buchers »
(104) « La singerie des huguenots … », Artus Désiré, 1574, [186]
(105) Et il faut reconnaître que les objectifs du parti huguenot dévièrent fréquemment vers la politique. On se remit à parler de république, démocratie, …
(106) « Les quinze signes … », Artus Désiré, 1587, [185] page 14
(107) Antoine Cathelan, [182] page 16
(108) Ronsard, discours « Pour la monarchie de Royaume contre la Division », publié en 1563 – Cité par[61] pages 247-248
(109) Gabriel de Saconay, 1573, [322]
(110) « Response par le chevalier … », Nicolas de Villegagnon, 1561, [190] page 163
(111) [61] page 53
(112) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] pages 42-43
(113) Laurent Desmons, cité par [61] page 244
(114) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182], conclusion, page 93
(115) « Pleinte et prière de la France à Dieu .. », 1563, par Gemin Theobule Luc, cité dans [61] page 237
(116) « La singerie des huguenots … », Artus Désiré, 1574, [186]
(117) Sur la façon d’élire les ministre de la parole de Dieu, « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] page 70
(118) [182] page 72
(119) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] page 6
(120) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] page 2
(121) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] page 5
(122) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] page 13
(123) Ronsard, cité dans [61] pages 408-409
(124) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] page 16
(125) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] page 7
(126) [61] page 48
(127) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] pages 19/20 
(128) Référence à l’aliénation des revenus ecclésiastiques au bénéfice des seigneurs ; Artus Désiré s’en plaint amèrement dans tous ses ouvrages… il n’en a pas bénéficié.
(129) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] page 28
(130) On pourra ici relever que si fin du monde il aurait dû avoir, ce n’étaient pas les actions de l’homme qui auraient pu y mettre un terme ou y apporter un sursis.
(131) « Les quinze signes … », Artus Désiré, 1587, [185]
(132) « Les quinze signes … », Artus Désiré, 1587, [185]
(133) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] page 90
(134) « Remonstrance aux princes françoys de ne faire point la paix avec les mutins et rebelles », de F. de Belleforest, publié en 1567.
(135) Il est intéressant de citer ici Prosper Tarbé, publiant un recueil de poésies calvinistes en 1866 ([197]), terminant son introduction par « Les sociétés modernes, pas plus que n’ont pu le faire celles qui les ont précédées, n’arriveront au bonheur, à l’ordre et à la liberté, tant qu’elles n’auront pas écrit sur leur bannière religieuse : - Obéissance aux commandements de Dieu ; - sur leur bannière politique : - Place au droit pour chacun et pour tous ; - tant que les peuples auront d’autre cri que ces deux mots : - Dieu et la loi. ». Il n’est pas nécessaire de préciser le camps pour lequel cet auteur développe ses sympathies dans cet ouvrage partisan, mais cette permanence de l’argumentation pourra être relevée dans des périodes encore plus récentes. Comme le dit Prosper Tarbé, les sociétés ont du mal à apprendre de leur histoire.
(136) Troisième édition en 1556
(137) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] page 31
(138) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182]
(139) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182]
(140) Ronsard, cité dans [61] page 406, « Continuation du discours des misères de ce temps à la mesme royne », publié en 1564 (voir aussi [218] page 27)
(141) Si le nom de Jodelle aujourd’hui est complétement oublié, sauf de quelques lettrés, la statue de Michel de l’Hospital trône toujours devant l’assemblée nationale à Paris.
(142) Etienne Jodelle, cité dans [61] pages 274-276
(143) « Les disputes de Guillot le porche… », Artus Désiré, 1559, [184]
(144) Elle a été détruite au XIXe siècle ; il subsiste une tour.
(145) « Propositions contentieuses … », Nicolas Durand de Villegagnon, 1562, [189], pages 30&31
(146) « Propositions contentieuses … », Nicolas Durand de Villegagnon, 1562, [189] page 41
(147) « Propositions contentieuses … », Nicolas Durand de Villegagnon, 1562, [189] page 52
(148) « Propositions contentieuses … », Nicolas Durand de Villegagnon, 1562, [189] page 66
(149) Ronsard, cité dans [61] page 398, « Remonstrance au peuple de France», publié en 1564 (voir aussi [218] page 57)
(150) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182] pages 92-93
(151) Ronsard, cité dans [61] page 394, « Continuation du discours des misères de ce temps à la mesme royne », publié en 1564 (voir aussi [218] page 27)
(152) « La singerie des huguenots … », Artus Désiré, 1574, [186]
(153) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] page 22
(154) Ronsard, cité par [61], page 565
(155) « Le passevent parisien … », Antoine Cathelan, 1556, [182]
(156) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] page 10
(157) « La marmite renversée…. », 1572, Thomas Beaux-Amis, [177] pages 16&17
(158) [61] pages 345&346, [219] et [220]
(159) Cités dans [61] page 348
(160) La « Complainte de France sur la guerre civille qui fut entre les François l’an mil cinq cens soixante et deux », cité par [61] page 240. Jacques Béreau est né en 1535 et mort en 1565.
(161) [213], « A ceux qui veulent demeurer obstinés en leurs erreurs »
(162) Dominicain mort en 1569
(163) Cité dans « Censorship and the Sorbonne «  de Francis M. Higman, librairie Droz, 1979.
(164) « Ablativus », d’après Calvin le sobriquet de Baudouin au collège, car on lui reprochait de savoir décliner jusqu’à l’ablatif, « à cause, disait-il, que lorsque nous étions aux écoles, Baudouin qui faisait profession de dérober le papier et les plumes de ses compagnons, fut appelé par eux « Ablativus ». « Accusativus », d’après Baudouin serait le surnom dont ses camarades auraient affublé Calvin car son esprit jaloux et chagrin était toujours prêt à dénoncer et à blâmer ; ([188] page 234)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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